dimanche 29 octobre 2017



 
 Petit catéchisme


   Il y a plein de choses qu’on apprend à l’école.  Parfois c’est facile et d’autre fois moins.  J’ai appris à lire, à écrire, à compter.  J’ai appris qui a découvert le Canada, j’ai appris que le Canada est un pays, et qu’il y a plein de pays différents sur la terre, qui est ronde et bien portante.  Puis j’ai appris que Dieu est partout. Inutile donc de le chercher.  C’est écrit et c’est même une des premières réponses de mon petit catéchisme.

   C’est mon livre le plus épais.  Et le plus sérieux. Ça parle de religion.  C’est une matière très compliquée la religion. Même les grands savants ne comprennent pas tous les enseignements de cette science : par exemple, l’univers créé en 7 jours, l’espèce humaine à partir d’un seul couple, l’éternité avec un début,...

   Mais pourquoi, allez-vous me dire, on l’enseigne alors à de jeunes enfants? (Si c’est bien la question qui vous brûle les lèvres). Eh, bien, parce que c’est facile. Contrairement à l’arithmétique ou l’orthographe, on n’a pas à comprendre.  Juste apprendre. Quand on calcule, il faut comprendre que 2 + 2 ne font pas 4 par hasard, ou que lorsqu’on écrit on ne peut pas placer les lettres n’importe comment. Il faut apprendre et COMPRENDRE.  Avec le petit catéchisme, c’est différent on n’a pas à comprendre, seulement apprendre. Et répéter ce qu’on dit. C’est tout.  Les réponses sont déjà toutes trouvées, et même écrites sous les questions.

   Ce livre est tellement épais que même ma sœur qui est en quatrième année a encore le même et continue à l’étudier.  Elle est justement en train de se passer sa leçon.  La réponse cachée sous sa règle, elle lit la question :

« QUE VEULENT DIRE CES MOTS, ²JE CROIS EN DIEU² ? »

Puis en regardant au plafond, elle répond :

« CES MOTS VEULENT DIRE QUE NOUS SOMMES CERTAINS QU’IL Y A UN DIEU. »


Oups! Excusez-moi d’intervenir ici, je demande vérification...
Oui, c’est bien ça qui est écrit.

 Merveilleux petit livre... 

                       
   Voyez, c’est simple, on a juste à les apprendre. À les apprendre par cœur.  Quand, en classe, la maîtresse lit une question, nous répondons en chœur par cœur.
   Moi, j’apprends, cette année, des prières. Voulez-vous entendre LE GLOIRE SOIT AU PÈRE?  Elle n’est pas très longue.

GLOIRE SOIT AU PÈRE, ET AU FILS ET AU SAINT-ESPRIT COMME AU COMMENCEMENT, MAINTENANT ET TOUJOURS DANS LES SIÈCLES DES SIÈCLES, AINSI-SOIT-IL.

   Les prières finissent toujours comme ça « ainsi soit-il », comme « excusez-la » dans les chansons. Cette semaine ma leçon, c’est d’apprendre le « JE VOUS SALUE MARIE » et ça va comme suit :

JE VOUS SALUE MARIE... Euh... Euh...

... COMMENT, ÇA VA? 

Hi,hi.hi, je la fais toujours cette petite blague-là.
Bon, sérieux.
 
JE VOUS SALUE MARIE... euh...
...PLEINE DE ... euh...

Euh... voyons!
Pleine de quoi,donc?
Euh, attendez que je tasse ma petite règle... 

DE GRÂCE.  C’est ça.

                                                          PLEINE DE GRÂCE!
 
 
***

 

 

 

dimanche 15 octobre 2017

              DANS MA BALANÇOIRE             
 (Paroles et musique : Serge Timmons)
 
 
Laisse-moi t’emmener sur la lune
Dans ma balançoire
Nous irons visiter à la brune
Un monde illusoire
Où il y a des muses et des fous
Et des anges tout autour de nous
Le soir, dans ma balançoire
 
Et sur notre vaisseau envolé
Vers nos souvenirs
Retrouvant le berceau qu’ont volé
Adultes vampires
On sera devenu des géants
Grâce à nos rêves d’enfant
Ce soir, dans ma balançoire
 
Et le cœur dans les étoiles
On fera le tour du monde
Tellement qu’il sera petit
Et le cœur dans les étoiles
On fera plus beau le monde
Comme quand on était petit.
 
….
 
Et le cœur dans les étoiles
On fera le tour du monde
Tellement qu’il sera petit
Et le cœur dans les étoiles
On fera plus beau le monde
Comme quand on était petit
 


***
 
 


dimanche 8 octobre 2017


 
Grand-maman
 

   La rondelle est en zone neutre, elle est reprise par Geoffrion qui la passe à Béliveau (Enwoye!) il lance... mais Bower bloque (Aïe,hi!) Mahovlich s’en empare, mais ne parvient pas à dégager sa zone, elle est reprise par Moore qui jette un coup d’œil à Fleming à la défense (Enwoye donc, lance donc!) puis se ravise la remet à Richard, il s’avance, déjoue bien (ben, enwoye, enwoye!) il lance et COMPTE!   (BONNN!)

 

   Ma grand-mère ne ratait pas un match du Canadien.  Aussi assidue et partisane que mon père, bien qu’elle ne prenait pas toujours pour la bonne équipe.  En fait, elle prenait toujours pour les noirs.  Mon père devait parfois la ramener à l'ordre : « Ben, voyons, grand-maman, le Canadien joue à Toronto, c’est eux autres les blancs ».

Elle aimait aussi regarder la lutte.  Beaucoup plus simple à suivre.  Édouard Carpentier n’avait pas assez de costumes à changer pour la mystifier. « Enwoye, tords-y le cou » quand celui-ci faisait une clé de bras à l’infâme Wladek ²killer² Kowalski (bou,ou,ou,ou,ou,ou!). Elle embarquait, y croyait vraiment. Mon père essayait parfois de la ramener à l'ordre :

  Ben, voyons, grand-maman, c’est arrangé.

  Ah! C’est pas mon idée ça, Viateur. Y’ont l’air de trop souffrir pour faire assemblant.

 

   Elle était comme ça ma grand-mère. Une petite femme entêtée de 80 ans, à la peau plissée, vidée, mais dont le fossile laissait deviner une jolie femme à l’époque, par l’harmonie des traits et ses  yeux  noisette, ronds, pétillants. Une jolie femme avec un joli caractère de chien. 

   Elle vivait avec nous depuis toujours, avait sa chambre, une chambre de grand-mère avec de vieux meubles, des cadres de saints au mur, et ses chaises berçantes stratégiquement placées dans la maison : deux trônes réservés, un dans la cuisine près de la fenêtre, l’autre au salon, à demi dans le passage pour ne rien manquer.  Car c’était sa mission : voir à tout, pendant qu’elle égrenait des rosaires ou reprisait nos bas enfilés sur une vieille ampoule laissant toujours, après réparation, une cicatrice grosse comme un cordon à nous faire boiter.

   Toujours sérieuse, toujours sévère, bougonnant sur tout et à tout bout de champ.  Elle avait sûrement souri un jour, et ça avait dû lui faire mal.

   Dès qu’elle était levée, habillée (toujours en noir, avec par-dessus un tablier pas trop pâle) elle se mettait aussitôt sur le mode gendarme. Faisait le trafic : « marche, par-là », « vas dans ta chambre », « rentre dans maison », « sors de la cuisine », faisait sa ronde : fenêtres du salon, fenêtres de la cuisine, fenêtres du passage, montait la garde devant le frigidaire (pas le droit de l’ouvrir entre les heures de repas)...  Du travail, que du travail! 

   Et quand on n’écoutait pas, elle y allait de menaces extrêmes.  Pour moi, c’était « m’as-te crever un œil, mon p’tit verrat! », Mireille « m’as-te péser une claque, ma bonyenne! », Paulo, « m’as-t’arracher un oreille, p’tit vlimeux! » et on entendait ça tous les jours.  C’était sa façon de s’exprimer.  On n’en faisait pas vraiment de cas.  Ma mère, que ma grand-mère continuait encore de gourmander, était habituée, y ayant passé son enfance.  Mon père n’y portait pas trop attention, d’autant plus qu’il était dans une classe à part. De tous ses gendres, et même ses enfants je crois, mon père était son préféré. Toujours gentille avec lui, toujours à prendre son parti. Viateur, c’était le sien, un homme droit, au regard franc, jovial qui ne buvait pas, ne sacrait pas, fumait.

   Du moment qu’on courait, criait, jouait, elle s’agitait comme un chien que le tumulte fait japper : « Attends que ta mère arrive! », « Attends que ton père rentre! », mais on n’avait pas que ça à faire, attendre. Alors, on continuait et les menaces reprenaient.  Elle avait beau mouliner des bras pour nous frapper, on esquivait toujours. Elle ne voulait pas vraiment nous atteindre, ce n’était que  pour chasser les moustiques qui l’embêtaient.  D’ailleurs, elle n’a jamais crevé d’yeux ni arraché d’oreilles à personne.  Même qu’elle pouvait s’attendrir et prendre grand soin de nous quand on était malade. On assistait alors à une étrange métamorphose : le démon devenant ange, les petits monstres des chérubins.

   J’avais remarqué que lorsque que je traînais en pyjama dans la journée pendant un de mes douloureux épisodes d’otites, je n’étais plus pour elle un p’tit verrat, mais devenait comme par enchantement son petit Charlot. Elle avait pitié de moi, et souvent pour me consoler de ma souffrance, elle allait dans sa chambre puis revenait vers moi pour me donner cinq cents.

   (Hé,hé!)

   Alors de temps en temps je m’improvisais malade, comme ça, en plein après-midi, quand mes parents étaient sortis. J’enfilais mon pyjama, je me faisais une face triste et je tournais autour d’elle, pitoyable. Au bout de quelques minutes, je la voyais partir dans sa chambre, tendais l’oreille et entendais le son de l’argent sonnant.

   Puis, je me rhabillais pour rejoindre mes copains qui m’attendaient, miraculeusement guéri.

 

                                                          Redevenu p’tit verrat.

 
***