dimanche 15 décembre 2013


 
 
Je vous souhaite
 
UN BEAU NOËL !
 
 
 
À l'an prochain...
 
 

dimanche 8 décembre 2013


Mon beau sapin
 

   La coutellerie en argent est étalée sur la table au travers des chandeliers et des bibelots argentés, c’est soir de frottage. Les femmes, grand-maman, maman et Mireille, enduisent un petit morceau de linge d’un poli crémeux qui sent la cire à plancher et, avec une légère grimace, frottent énergiquement les ustensiles. Toutes appliquées à leur tâche elles écoutent en même temps Bing Crosby à la radio : I’ m dreaming of a white Christmas… chanson qu’on entend depuis quelques années, qui deviendra probablement un classique avec le temps. 

   Je voudrais bien les aider, mais « supposément » que je ne fais pas bien ça! Alors, il n’y a plus rien à faire ici, d’autant plus qu’elles ont commencé à parler des robes qu’elles vont porter pour le réveillon… Pfff, laissons-les placoter et venez plutôt avec moi dans le salon. J’ai quelque chose à vous montrer.

   Padam! Impressionnant, hein? Eh oui, un arbre dans la maison. Un sapin. On appelle ça un arbre de Noël quand il est décoré comme ça. Beau, n’est-ce pas? Cette boule-là, c’est moi qui l’ai accrochée. Et celle-là aussi. Et cette autre aussi. Je n’accroche que les plus belles. Comme celle-ci, ma préférée, en forme de citron avec un creux brillant rouge et bleu et des rayures de poudre d’or, ça doit valoir une fortune. Je l’ai mise la plus haute pour qu’on la voie bien, mais aussi parce que c’est très fragile. Si on l’échappe, c’est un verre fin qui se casse en mille morceaux et devient très très coupant. 

L’étoile en haut? Non, ça, ce n’est pas moi, c’est mon père. C’est le seul qui a le droit. Et qui est assez grand.

   Quelle chose magnifique, hein? C’est beau, c’est gros, ça sent bon! Et en plus, c’est décoré de boules, de guirlandes, de glaçons. C’est franchement une belle acquisition. Félicitations! (Je peux rimer comme ça, sans arrêt.)
   Mais ce n’est pas tout, vous n’avez encore rien vu. Attendez-moi ici, il faut que je rampe sous l’arbre. Je reviens… 

   Voilà! Eh oui, en plus il s’éclaire! Toutes ces petites ampoules de couleur lumineuses dans leurs réflecteurs, c’est un véritable feu d’artifice figé en plein éclatement. On dirait une hallucination, un rêve, un…

   — Charles, éteins l’arbre de Noël, tu sais que c’est dangereux de le laisser allumé quand on n’est pas là.

   — Mais maman, je voulais juste le montrer.

   — Montrer à qui?

   Hum…De toute façon, elle ne comprendrait pas. Excusez-moi, je dois l’éteindre.

   Les figurines de plâtre sous l’arbre, c’est la crèche. On a le bœuf, l’âne, le petit Jésus dans son berceau, la Vierge Marie et Saint-Joseph avec la canne cassée – ça aussi, c’est fragile – et bien sûr, l’étable délabrée (que mon père a bien rendu) dans laquelle tous ces personnages sont. Si vous regardez deux branches plus haut, exactement au-dessus de la crèche, vous y voyez une canne en bonbon, petit cadeau que Mlle Therrien m’a donné hier discrètement (je crois qu’elle est toujours amoureuse de moi), au dernier jour d’école. Je l’ai posée là, comme pour en faire une étoile de Belt… de Blehtéem.

   — Charles, va mettre ton pyjama, c’est l’heure de te coucher!

   — Mireille, elle?  (Un automatisme)

   — Elle est déjà en pyjama.

   C’est vrai, j’aurais dû remarquer. Bon, j’y vais.

   Mais vous, ne partez pas! Je n’ai pas fini. Il faut que je vous dise que ce n’est pas seulement chez nous qu’il y a un sapin dans la maison. On en trouve dans presque toutes les maisons, on les voit par les fenêtres bien souvent. Il y en a aussi dans l’église (mais ils ne sont pas décorés ceux-là, c’est un endroit trop sérieux) et il y en a même un à l’école. Lundi, nous sommes arrivés dans la classe et un superbe sapin trônait au milieu de la pièce, nos pupitres disposés en cercle autour. Il n’avait pas de boules, mais quand même, il était tout brillant de glaçons.

   La maîtresse, à notre dernière journée d’école avant les vacances des Fêtes, nous a fait chanter des cantiques de Noël. Ce n’était pas des Petit Papa Noël ou des Petit Renne au nez rouge, c’était plutôt des chansons religieuses. Mais jolies. 

Çà, bergers assemblons-nous
Allons voir le Messie eeee!

Les anges dan an nos campagnes
Ont entonné l’hymne des cieux… 

   Toutes des chansons dont on ne comprend rien, mais qu’on fredonne au son. Elle en a même chanté une que je n’avais jamais entendue. Je soupçonne que c’est elle qui l’a inventée :

Venez divin Messie,
Sauver nos jours infortunés… 

Le reste je ne m’en souviens plus. Mais je ne crois pas que ça va connaître un gros succès son affaire. 

   Ma préférée, si vous voulez savoir, c’est celle que mon père souvent nous chante :

Père Noël! Père Noël!
Apporte des bébelles
Viens chez nous
Fais pas le fou
J’vas donner trente sous!

   Et puis une autre (après ça, je vous laisse partir) que je chante parfois à mon arbre quand il est éteint, qu’il n’est plus qu’une présence fantomatique dans le salon sombre et que je sens un peu seul, loin des siens restés dans la forêt, c’est :

Mon beau sapin!
Roi des forêts
Que j’aime ta parure…


***
 

dimanche 1 décembre 2013


 
Fièvre
 

   Comment un fou peut-il savoir qu’il est fou? Il est dans son monde où l’incohérence ne se détecte pas. Si tout le monde virait fou en même temps, comment le saurions-nous? Qu’est-ce qui nous fait croire que nous ne le sommes pas? J’ai mal à la tête. Je suis dans un rêve qui n’est pas dans mon sommeil. Les proportions des choses se dépassent, se surpassent, touchent à l’infini, je me vois dans un microscope. D’ailleurs, ce n’est plus moi, c’est une masse, la Masse, qui n’en finit plus de gonfler, gonfler, gonfler. Je brûle et mon corps tremble de froid.


   Tout est flou. J’entends des voix. Pourquoi on parle? À quoi ça sert de parler.  Tant de mots qui n’expliquent rien. Un chien n’a jamais dit à son maître qu’il l’aimait. La parole est superflue, le fluide entre les corps suffit. J’ai soif. Très, très, très soif. L’eau ne m’étanche pas, même boire le fleuve ne suffirait pas.

Je m’assèche.

   Je pars, je reviens, j’entends des voix. « Tousse un peu Charles. »  Une pierre froide me parcourt le dos. On me retient en avant. « Plus fort, trois coups. » Je retombe endormi. 

     — Combien, docteur?
     — 104. Faut faire descendre la température.

    La montagne en pulsation me mange, m’engloutit. Un gonflement régulier monte en moi, l’espace va finir par manquer.  

J’ai froid.

   Comme tout devient minuscule! La terre est trop petite, je dois me rapprocher pour la voir. Mais je perds le « je », fondu dans un magma, l’infini, l’immatériel. Un mince souvenir, une reconnaissance d’un état par des mots : « Charles », « Maman », « lit », « chambre »… me relie à un monde parallèle.

J’ai chaud.

   Un petit déséquilibre de rien du tout, une goutte de trop ou de moins dans la chimie de mon cerveau et le monde entier vient de changer; je ne suis plus le même. C’est épeurant. Comme ces histoires d’amnésie subite : un coup à la tête, et soudain on n’a plus de passé. Tout est à refaire, les gens qu’on aime deviennent des étrangers, nous indiffèrent. C’est angoissant. Tout cet univers serait donc si fragile? Un simple dérèglement hormonal et nous ne sommes plus tout à fait la même personne. 

J’ai peur.

   Je ne sais plus si je rêve. Je me sens rêvé, donc je ne rêve pas. Ou alors je rêve que je ne rêve plus. Comment en sort-on? C’est comme un miroir qui se reflète dans un autre, je me perds, je ne trouve plus la sortie.

J’ai mal.

   J’ai perdu toute notion du temps. Est-ce le jour, la nuit, l’été, l’hiver? Je suis parti depuis si longtemps. Et où suis-je? Je ne sais pas. Je bouge sans arrêt. Je tremble trop. Où suis-je? Au fond de la mer? Quelque part dans les étoiles? Je sais seulement que j’y suis seul. Terriblement seul. Et encore, je ne suis même plus.

J’ai fondu.

   

   Quelques images me reviennent : Minet, mon petit frère Paulo qui court dans le corridor, le bruit dans la cuisine, ça sent les toasts brûlées.

Je remonte à la surface; j’ai moins chaud. J’ai mal dans le cou, mais au moins je sais que c’est dans le cou que j’ai mal, mon corps a retrouvé ses membres. J’ai des ouates dans les oreilles et je remarque qu’il y a quelques taches de sang sur mon oreiller. 

J’ai faim.

                        Bon signe.   
 
***
 

dimanche 24 novembre 2013

 
Tant pis, tant mieux
(Paroles et musique : Serge Timmons)
 
 
Tant pis si le père Noël n’existe pas !
Tant mieux qu’il n’existe pas !
S’il existait, alors les ogres aussi,
Les monstres et dragons,
Le bonhomme sept heures et les loups-garous
Tant mieux !
Tant pis pour les sirènes,
Les anges et les fées !
Mais tant mieux pour les sorcières
Les cyclopes, les hydres et les chimères
Tant mieux !
Tant pis pour le merveilleux
Les rêves et le paradis !
Mais tant mieux pour les mauvais songes
L’enfer, vampires et damnés !
Tant mieux !
Tant pis s’il faut mourir un jour !
Tant mieux, pour les malheureux.
Ils rejoignent enfin Dieu, s’il existe ? 
Oh !...
Tant pis si le bon Dieu n’existe pas
Tant mieux s’il n’existe pas
Car s’il existe, y s’ra vraiment pas content !
Quand on lui dira ce qu’on a fait à ses enfants
Tant mieux !
Tant pis !
Tant pi..eux !
 
                                                                                    Copyright © 2006  S. Timmons
 

dimanche 17 novembre 2013


Le jour du Souvenir



Ce qu’il ne faut pas oublier aussi en ce jour du Souvenir, c’est la bêtise humaine.

Souvenons-nous que la guerre est l’échec de nos dirigeants.
Souvenons-nous que tous ces héros sont d’abord des victimes

Souvenons-nous que tous nos valeureux soldats se sont battus contre… contre… des êtres humains, morts eux aussi pour leur patrie, pas plus intéressés à la guerre, mais pris dans une dynamique de fous.

Souvenons-nous qu’il y a des fous qui nous incitent à la guerre.

Souvenons-nous qu’en les suivant nous sommes tous responsables.

Souvenons-nous que la plus grande menace à l’humanité est l’humanité.

Souvenons-nous qu’on oubliera.

Souvenons-nous qu’on avait oublié, à peine vingt ans après.

 

***

dimanche 10 novembre 2013


Économiser


   Cette semaine encore, je n’ai rien à dire, alors… PARLONS D’ARGENT !

   Mes parents m’ont toujours répété qu’il fallait économiser dans la vie.  Imaginez comme j’étais content hier en lisant cette petite phrase au bas de ma facture de Canadian Tire  Aujourd’hui, vous avez économisé $32.25.  Yessss!  Moi, qui hésitais à dépenser pour toutes ces futilités, alors qu’en fait, je déposais.

Et v’là-tu-pas qu’aujourd’hui, je tombe sur une annonce de Brault & Martineau qui me rappelle ce judicieux conseil « c’est le temps d’économiser » en achetant SANS RIEN DÉBOURSER un divan laitte et en plus je repars avec une télé 32’’ gratuite.

En réalité, je n’ai besoin de rien de ça, mais « un fou dan’ne poche » je saute là-dessus.  Je vendrai la télé (100% de profit) et le divan laitte ne me coûte rien.  En plus, j’accumule encore des économies… attendez…euh, voilà, c’est écrit ici, $ 400.  Je n’en finis plus de m’enrichir.

Les meubles?  Quoi les meubles?  On parle de Brault & Martineau, cette entreprise qui paie des fortunes en publicité pour nous parler d’économies, de financement, de voyages, de concours. Les meubles, c’est bien secondaire, à peine les voit-on à l’arrière-plan en rangée sous un éclairage blafard. D’ailleurs ils le disent bien dans leur publicité « la qualité n’est pas un obstacle aux bas prix »… les gens s’en foutent, du moment que c’est pas cher. 

Mettre autant d’emphase et d’argent pour offrir des baaaaas prix, me laisse quand même perplexe.  Une entreprise commerciale tire toujours sa part de profit, sinon elle n’est pas là.  Alors quand c’est moins cher, c’est contre le produit, forcément (matériaux, main d’œuvre), et contre nous, finalement. La qualité n’est pas un obstacle aux bas prix… si vous le dîtes, alors ce sont les bas prix qui sont un obstacle à la qualité.  Et surtout au bon commerce.

Annoncer de bons produits au juste prix, ce ne serait pas une bonne idée, ça?

Mais je suis bien naïf, vous avez probablement raison, les gens veulent du Coderre, du Rob Ford, ils veulent, avant tout, des baaaaas prix.


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dimanche 3 novembre 2013


Le sport

 

Cette semaine, je n’ai rien à dire…  ALORS, PARLONS SPORT!
Et quand on dit sport, on dit hockey, évidemment.

Quelques observations sur ce merveilleux sport d’hiver pratiqué en culottes courtes et en bas golf.

* Tout d’abord bien comprendre qu’un droitier doit utiliser un bâton gaucher.  Ce que mon père  (naturellement droitier) n’a jamais compris.  Il s’est entêté toute sa vie à utiliser un bâton droit, ce qui le rendait maladroit.  J’essayais de lui faire comprendre que la main habile sur le bâton est celle qui tient le bout pour contrôler la rondelle d’une main, par exemple.  Mais, rien à faire, c’était écrit sur le bâton, alors…

La plupart des joueurs d’ailleurs (et c’est bien normal) sont «gauchers » dans une proportion de 3 pour 1.  Prenez le temps de les compter la prochaine fois, vous verrez.


* Quand une équipe compte un but pendant l’appel d’une punition, on annule la punition.  Pourquoi? Aucun rapport, ce n’est que pure empathie.  On suppose que l’équipe fautive est suffisamment punie… Alors, l’autre s’en tire sans contravention. Policiers, méditez là-dessus.

 
*  La publicité est omniprésente. D’abord sur les bandes, et de plus en plus sur la surface (sacrée) de jeu. Situation plutôt rare en tout autre sport.  Un si petit espace, pourtant.  Imaginez ce qu’on pourrait  faire au football, ou mieux, au baseball (une idée géniale, laissez-moi leur en parler avant).  Et encore, cela n’est rien comparativement au golf…


* Certains trouvent aberrant de chanter les hymnes nationaux avant chaque partie. Je suis bien d’accord. Pourquoi ne pas les remplacer par la prière?


Petite pause publicitaire. On revient tout de suite après.


L’annonce de Bell, les deux filles :

— Je peux pas croire que la troisième saison commence ce soir.  

— Puis t’as réussi à avoir le salon pour l’écouter ! Comment t’as fait (convaincre les gars, d’écouter le hockey dans le garage) ?

…C’est ben simple, stie, sont partis avec la TV ! C’est certainement pas celle qu’ils auraient pu écouter dans le sous-sol.
 

Et nous sommes de retour…
 

Tennis, maintenant.

Règles étonnantes, là aussi. Le seul sport où un joueur (le serveur) a droit systématiquement à un mulligan. À l’origine, quelqu’un a eu pitié : « Honnn! Pas chanceux, dans le filet…  Reprends-la. »  Mais tout le monde n’est pas aussi gentleman, et maintenant que c’est la coutume, la plupart en profitent pour frapper leur première balle comme des malades.  

Autre chose.  Connaissez-vous un sport où vous perdez 40-0, pis c’est même pas grave?  Le match commence.  Je m’en vais me chercher une bière, je reviens, c’est 15-0.  Ça y est, c’est fini, je me dis. 

Mais non…
Remporter un échange vaut 15 points.  Deux échanges, 30 points.  Trois échanges, 45.  Non attendez, le troisième échange est moins important, il ne vaut que 10 points, puisqu’on est rendu à 40. À moins que tous les coups vaillent en réalité 13.33 points (non arrondis). Anyway,  le premier rendu à 50 gagne.  Non, attendez.  Ça n’existe pas.  Après 40, c’est jeu ou avantage.  Enfin, si vous êtes meilleur que l’autre vous remportez le jeu qui vaut… qui vaut…1 point (pas quelque chose comme 425, ou 642… UN point, tout simplement.)    

C’est simple quand on y pense pas.


    La semaine prochaine, on parle de la violence au curling.  À moins que j’aie trouvé quelque chose à dire.

 

***
 
 

dimanche 27 octobre 2013


Les cogiteux         

 

Les cogiteux de fin de journée
On les voit à leur air sérieux
Et puis à leur extase
Quand dans leur cerveau creux
Une idée passant par là
Hors propos et boiteuse
En sort luisante d’emphase
Habillée en proverbe
Géniale imposante superbe

 

C’est pas commun que leur clique
Bientôt on en écrira
De belles vérités mystiques
Comme abracadabra
Car moins ils comprennent
Et plus ils apprécient
La lumière pour eux
Vient du plus ténébreux
Sorcier écrivain du monde

 

Savent-ils ces élégants
Que pendant ils font de l’esprit
Un nigaud heureux rit
D’un pet bruyant
Un nigaud heureux rit
D’un pet bruyant

 
Savent-ils qu’il est sublime
Irrésistiblement drôle
Et pas donné à tout le monde
De pouvoir péter en rime
Et pas donné à tout le monde
De pouvoir péter en rime

                                                                     
 
***
 
                                                                                                                                                         

dimanche 20 octobre 2013


Pour l’égalité hommes-femmes, contre la Charte, ça se peut...



   Qu’avons-nous tant à parler d’égalité hommes-femmes, tout à coup? Que se passe-t-il? Quelle est cette soudaine menace dont on ne se méfiait pas il y a à peine deux mois? Cette mention « superflue » dans la présentation de la Charte m’a paru dès le départ comme une astuce pour nous la vendre, le miel (par ce consensus facile) pour faire passer la pilule amère. Arrêtons de discuter du goût de la chose et parlons de ses effets.

   La mal nommée Charte des valeurs québécoises – d’abord « valeurs », terme plus religieux que laïc, puis « québécoises », alors que rien ne la différencie du reste de l’Occident – aurait pu tout simplement s’appeler Charte de la laïcité de l’État, mais ça faisait un peu éteignoir. Rien pour exciter la fibre identitaire, le but recherché ultimement. 

   Dans sa présentation concernant le fameux article, le ministre Drainville, dans une infinie précaution, expliquait qu’il ne s’agit là que de suspendre — pendant les heures d’ouvrage, pour la fonction publique, mais pas partout, dans certains services, mais pas nécessairement tout de suite… — le droit d’expression, quand trop ostentatoires, des opinions personnelles de toutes sortes des employés de l’État. Une sorte de politique interne somme toute. Un code vestimentaire, finalement. Pour le reste il exhortait les Québécois à s’afficher et se respecter.

   Car, on s’entend, que même si le projet de loi est adopté, bien reçu, bien appliqué, il y aura encore (et peut-être plus, par effet de rebondissement) de femmes voilées dans des émissions de télé, dans les rues, les parcs, le métro; on côtoiera toujours des religieux ostentatoires de cultures multiples, MAIS on n’en verra pas, c’est vrai, à la photocopieuse d’un département administratif dans un quelconque édifice gouvernemental durant les heures de travail.  
 
   À l’ostentatoire on propose la tartuferie : « cachez ce sein que je ne saurais voir ». Pour ceux et celles qui attendaient de cette charte une victoire sur l’invasion intégriste, ça fait un peu prix coco. 

 
   Je suis antireligieux, foncièrement égalitaire hommes-femmes. Je suis, moi aussi, fortement dérangé par tous les artifices, déguisements, manifestations ostentatoires de toutes appartenances, incluant les drapeaux, mais c’est mon problème à moi. Je me dois de réfléchir, de m’exercer au respect. Je me dois de relativiser les choses : reconnaître, par exemple, que la très grande majorité des immigrants réalisent assez vite les « valeurs québécoises », constatent d’emblée que les femmes ici sont tellement égalitaires qu’elles sont parfois Premières Ministres. Seules quelques factions extrémistes et inquiètes de chaque côté, musulmanes comme catholiques, nouvellement arrivantes ou de souche, formeront la minorité bruyante pour alimenter nos premières pages. Il n’existe pas d’accommodements raisonnables aux incommodants déraisonnables.   

   Bien que mon penchant naturel, « ma vraie équipe », soit du côté réel et caché de cet article de la Charte, c’est dans la douleur, mais la conscience, que je m’inscris en faux. Le vivre-ensemble ne passera pas par un projet de loi, mais un projet de société construit sur le respect des différences. Aux « janettes », je rappelle bien respectueusement que la liberté d’expression aussi a été un rude combat qu’il faut toujours poursuivre.

 

***

dimanche 13 octobre 2013


Présence



Le ciel te regarde
Prends garde
Tu n’es jamais seul
Le ciel te regarde
  
Comme en ce moment
Ici maintenant
Je souffle dans ton cerveau
Sens-tu ma présence

Tu n’es plus seul
Je m’infiltre lentement
Je me dessine dans ton esprit
Je vais prendre forme
Et te rejoindre bientôt
Imagine-moi, et je serai là
D’ailleurs j’y suis un peu déjà


Sens-tu ma présence
Encore quelques mots
J’apparais bientôt
J’arrive j’arrive
Tu peux fermer les yeux

Je te vois maintenant
Je te vois lire
Tu n’es plus seul
Ça y est, je suis avec toi
Je suis là


****

dimanche 6 octobre 2013


DES MOTS

 


Il y a juste les fous qui ne changent pas d’idée. 
C’est ce que je crois et je n’en démords pas.


*

Je suis résolument un lève-tôt.  Seulement, j’aime me réveiller tard.


*

On doit se méfier des animaux.  Quand mon chien me regarde, par exemple, je sens bien qu’il me juge.


*

L’art est un moyen de résister à la réalité qui nous offense.

 
*

La bonté comme la beauté a été distribuée au hasard. Certains en ont reçu beaucoup, d’autres à peu près pas, et la plupart s’efforcent de bien paraître

*

Ma femme voit en moi quelqu’un de très responsable. Elle dit toujours que c’est de ma faute.

*

Au début, j’étais tout feu, tout flammes.
Aujourd’hui, je suis brûlé.

* 

Quand quelqu’un me lance : « Je crois en Dieu », je lui serre la main chaleureusement, et lui dis: « Toutes mes félicitations! »

*

On s’encombre de lois, de règles, de religions bien compliquées. Il n’y a bien que l’homme qui ne sait pas comment se comporter. 
Je n’ai rencontré aucun chat végétarien, aucun chien bouddhiste, aucun cheval carnivore, aucune fourmi solitaire...


 

***
 
 

dimanche 7 juillet 2013

Dernière de CHRONIQUES D'UN INNOCENT
 

 
Après
 

 

   Le ventilateur de la fournaise vient de s’arrêter. L’horloge au mur, maintenant sans bruit pour la camoufler, en profite pour occuper tout l’espace et battre la mesure. Tac… tac… tac… tac. Métronome : tempo 60 parfait. Tac… tac… tac… tac. La trotteuse avance et d’un ton péremptoire taille en tranches égales d’une seconde le temps qui défile. Je la regarde me prendre chaque fois un peu de ma vie : tac… ôtée, tac… retranchée, tac… passée, tac… perdue, tac… retirée, tac… gaspillée. Fini, révolu, ce temps ne reviendra plus. Même chose pour vous, d’ailleurs, qui avez pris le temps de lire ces lignes; je vous annonce que vous avez tout ce temps-là de moins à vivre. Où est-il rendu? Il est passé au passé. Tout derrière, rien devant.


   Je suis stupéfait de constater que notre présent ne sert qu’à réaliser le moment qui passe. Ma conscience arrive toujours une milliseconde en retard sur l’instant en cours, comme si ce temps ne m’était pas accessible et n’était rien d’autre que le passé le plus récent. Comme le sillage d’un bateau nous fait penser qu’on avance, c’est ce passé récentissime que je remarque dans le sillon de mon présent, qui me définit, me fait prendre conscience que je vis. Ou que j’ai vécu.


   On n’a pas à bouger, le temps passe, les objets se meuvent, l’espace se remplit.


   Je serai toujours le cadet de ma sœur. Paulo sera un vieillard en restant quand même le benjamin de la famille. Rien ne change entre nous, nous sommes figés dans le temps. Mon passé est présent, mon futur est présent. La vie n’a qu’un temps : le présent.  

   Et il vient juste de passer.

 


***


 Dernière publication, vacances obligent.  

dimanche 30 juin 2013

Tirée de CHRONIQUES D'UN INNOCENT

 

 
Déménagement
 

   La maison est sens dessus dessous. Ce n’est pas habituel ça. Des boîtes partout, des meubles déplacés, des murs dénudés de leurs cadres, des armoires vides… C’est à l’envers sans bon sens! Un peu plus et je logeais une plainte à mon père : Que se passe-t-il avec maman? 

   Mais j’ai compris qu’on vidait la maison. On déménageait. Ce qui veut dire « pas de ménage » quand on déménage. Le mot le dit d’ailleurs (cessation) ménage (ménage). Bon, d’accord pour la sémantique, mais quand même, j’insiste, ce n’est pas habituel, ça. Qu’est-ce qu’il va nous arriver, là? Il nous faut une maison. Et en ordre, si c’est possible.

   Il advient, en fait (pour vous, lecteurs perplexes), qu’on part vivre ailleurs. Mon père a eu une promotion qui l’envoie dans une autre ville et qu’on n’a pas le choix de suivre : qui prend parents, prend logement!

   Alors, on déménage. Et c’est aujourd’hui. 

   En voyant arriver un énorme camion devant chez nous, un attroupement s’est formé dehors, comme si on passait au feu. Mes amis semblent très impressionnés. Ça me fait vivre un petit moment de gloire. Ouais, ces gars-là travaillent pour nous...

     — Vous déménagez?

     — Ouais… Dans un autre pays. Mon père en est le nouveau président.

     — Les États-Unis?

     — Non…, mais juste à côté.

   Pendant ce temps, je me retiens de donner des ordres aux déménageurs qui transportent les meubles. Ils n’ont pas trop l’air de s’amuser. Un piano, quand on n’est pas musicien, c’est juste pesant. 

   Tous mes copains, François, Louis, Pierre, Denis, Gaëtan, même le gros Jean-Paul, qui n’est pas mon ami (et se tient loin de ma sœur), sont là, et je ne réalise pas que je ne les reverrai plus jamais. Suis-je sans cœur ou seulement innocent? Trop excité par l’évènement, trop occupé à trompéter pour m’émouvoir.

   Les meubles, c’est bien peu de choses qu’on apportera. Qu’adviendra-t-il de la maison? De ma chambre? De ma cour? De ma balançoire? De ma cachette sous la galerie? De cette pauvre demeure enfin, éviscérée de son âme? C’est comme laisser son chien à un autre maître. Des inconnus, peut-être des malotrus, occuperont le temple sacré de mon enfance. N’ayons pas peur des mots, ça s’appelle un VIOL.

   Les déménageurs ont pris une pause, ils mangent un morceau. La maison est vide maintenant. Mireille, Paulo et moi on court partout dans les pièces, criant pour s’amuser de l’écho que ça fait. On monte, descend, passe d’une chambre à l’autre, ébahis de trouver autant d’espace. On joue, mais c’est aussi notre façon de faire nos adieux à ces murs qui nous ont tant écoutés.

   Ma mère nous demande de bien vérifier pour voir si on n’a rien oublié, un jouet, par exemple, dans une cachette qu’on se serait faite quelque part. Mais ce qu’elle nous dit, en fait, c’est de faire le tour de cet univers pour bien prendre le temps d’en fixer nos souvenirs. Ne t’en fais pas maman, j’ai l’air sans cœur et innocent, mais je me destine à devenir un grand nostalgique. J’en emporte davantage que le camion.

    Voilà. On est tous dans l’auto, un peu tassés avec une plante, un bibelot, un toutou sur les genoux, puis contact! Le poids lourd derrière s’ébranle. On vire lentement le coin de la rue, et je vois en un instant ma maison apparaître après le fourgon, un peu inquiète, passablement chagrine, beaucoup abandonnée. 

   Je le sens


***

dimanche 23 juin 2013

Tirée de CHRONIQUES D'UN INNOCENT
 
La St-Jean Baptiste

           

   L’école finie, l’été pouvait commencer. Les vacances, surtout. Mes premières. Et ça partait fort. On mettait le feu à un gros tas de bois ceinturé de vieux pneus et on piqueniquait autour à neuf heures du soir, la famille au grand complet assise sur une grande couverture étendue par terre. On n’était pas les seuls, tout le quartier était dans le parc. Chaque famille, incluant les oncles et les tantes, occupait son petit espace sur l’herbe. Comme à la plage, mais sans mer, ni soleil. De jeunes enfants en pyjama couraient partout, excités de n’être pas encore couchés à cette heure-là, et encore plus de voir toute cette société si règlementée soudainement transformée en romanichels festifs.   

   Et puis, juste avant que le soir parte se changer pour la nuit, au moment où  s’allument les étoiles en veilleuses, ça se mettait à péter dans le ciel : un bombardement multicolore, énorme, bruyant, spectaculaire. 


   Quelques heures auparavant, devant le kiosque du parc, on écoutait la fanfare; tous des musiciens en tenue militaire, soufflant dans des cuivres, tapant du tambour, trompetant, « clarinettant », jouaient des marches militaires, naturellement, qui faisaient tant plaisir à maman. Elle aimait ça! Que voulez-vous? Les Beatles étaient encore à Hambourg. 

   Une foule dense s’était massée autour du belvédère; il est facile pour un enfant de se perdre dans un tel attroupement. On laisse la main un instant, s’attardant à ramasser quelques papiers par terre ou pour aller voir de plus près un clown, on marche sans à peu près jamais regardé devant, trop fasciné par toutes ces choses brillantes comme les feux de Bengale, les petits bâtons d’étincelles, les barbes à papa roses et bleues, enfin tant de distractions dans cette mer agitée qui nous font quitter la terre une seconde… puis quand on revient à nous, on est perdu. On ne sait plus à quelle main s’accrocher. C’était toujours un petit moment effrayant, mais à  travers jupes et pantalons on finissait bien par reconnaître les siens, et du coup ça nous faisait un grand soulagement. Une petite joie en bonus. 


   C’est beau et simple la vie, quand même! Un doux soir d’été, de l’innocence plein les yeux, des rires et des visages joyeux, voilà c’est pas tellement plus compliqué que ça. Il faudra m’expliquer un jour pourquoi les hommes s’ennuient. Pourquoi ils s’entretuent.  Pourquoi ils oublient ces doux soirs d’innocence.  Faudra m’expliquer… tout ce que je crois comprendre déjà.

   Mais pas maintenant, c’est les vacances. Pas ce soir, la vie est en fleur.   Et pas demain non plus, ce sera le défilé des chars allégoriques tirés par des tracteurs au milieu de la parade des gardes d’honneur et de majorettes en jupette, marchant tambour battant et jouant approximativement des airs bavarois pour plaire à ma mère – les Beatles toujours retenus à Hambourg – et puis le clou, un petit mouton avec un petit frisé comme un mouton (à qui on aurait pété la gueule à l’école), nous sourira, nous enverra la main, se prenant pour le père Noël.   

Attends à demain, toé!


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