Après
Le
ventilateur de la fournaise vient de s’arrêter. L’horloge au mur, maintenant sans
bruit pour la camoufler, en profite pour occuper tout l’espace et battre la
mesure. Tac… tac… tac… tac. Métronome :
tempo 60 parfait. Tac… tac… tac… tac. La trotteuse avance et d’un ton
péremptoire taille en tranches égales d’une seconde le temps qui défile. Je la
regarde me prendre chaque fois un peu de ma vie : tac… ôtée, tac…
retranchée, tac… passée, tac… perdue, tac… retirée, tac… gaspillée. Fini, révolu,
ce temps ne reviendra plus. Même chose pour vous, d’ailleurs, qui avez pris le
temps de lire ces lignes; je vous annonce que vous avez tout ce temps-là de moins
à vivre. Où est-il rendu? Il est passé au passé. Tout derrière, rien devant.
Je suis stupéfait
de constater que notre présent ne
sert qu’à réaliser le moment qui passe. Ma conscience arrive toujours une
milliseconde en retard sur l’instant en cours, comme si ce temps ne m’était pas accessible et n’était rien d’autre que le
passé le plus récent. Comme le sillage d’un bateau nous fait penser qu’on
avance, c’est ce passé récentissime que
je remarque dans le sillon de mon présent, qui me définit, me fait prendre
conscience que je vis. Ou que j’ai vécu.
On n’a pas à
bouger, le temps passe, les objets se meuvent, l’espace se remplit.
Je serai toujours le cadet de ma sœur. Paulo
sera un vieillard en restant quand même le benjamin de la famille. Rien ne
change entre nous, nous sommes figés dans le temps. Mon passé est présent, mon
futur est présent. La vie n’a qu’un temps : le présent.
Et il vient
juste de passer.
***