dimanche 7 juillet 2013

Dernière de CHRONIQUES D'UN INNOCENT
 

 
Après
 

 

   Le ventilateur de la fournaise vient de s’arrêter. L’horloge au mur, maintenant sans bruit pour la camoufler, en profite pour occuper tout l’espace et battre la mesure. Tac… tac… tac… tac. Métronome : tempo 60 parfait. Tac… tac… tac… tac. La trotteuse avance et d’un ton péremptoire taille en tranches égales d’une seconde le temps qui défile. Je la regarde me prendre chaque fois un peu de ma vie : tac… ôtée, tac… retranchée, tac… passée, tac… perdue, tac… retirée, tac… gaspillée. Fini, révolu, ce temps ne reviendra plus. Même chose pour vous, d’ailleurs, qui avez pris le temps de lire ces lignes; je vous annonce que vous avez tout ce temps-là de moins à vivre. Où est-il rendu? Il est passé au passé. Tout derrière, rien devant.


   Je suis stupéfait de constater que notre présent ne sert qu’à réaliser le moment qui passe. Ma conscience arrive toujours une milliseconde en retard sur l’instant en cours, comme si ce temps ne m’était pas accessible et n’était rien d’autre que le passé le plus récent. Comme le sillage d’un bateau nous fait penser qu’on avance, c’est ce passé récentissime que je remarque dans le sillon de mon présent, qui me définit, me fait prendre conscience que je vis. Ou que j’ai vécu.


   On n’a pas à bouger, le temps passe, les objets se meuvent, l’espace se remplit.


   Je serai toujours le cadet de ma sœur. Paulo sera un vieillard en restant quand même le benjamin de la famille. Rien ne change entre nous, nous sommes figés dans le temps. Mon passé est présent, mon futur est présent. La vie n’a qu’un temps : le présent.  

   Et il vient juste de passer.

 


***


 Dernière publication, vacances obligent.