dimanche 27 juin 2010

Insomnie
(Paroles et musique : Serge Timmons)


Ah, je dors pas, j’dors pas, j’dors pas …
Qu’elle heure qu’il est donc là?
Minuit !
Pis faut qu’j’me lève de bonne heure, demain midi.
Pour gagner ma vie.
Gagner sa vie! C’est quelque chose ça
Quand tu gagnes jamais rien… dans la vie.
Pas moyen de m’endormir.
J’pense à toute, j’pense à rien.
Tiens, j’vas compter des moutons : 1-2-3-4-5-6-7-8-9-
Dix moutons, neuf moineaux, huit marmottes, sept lapins…
Ah non, non, arrête ça. Faut dormir.
Pis j’haïs ça compter des moutons.
Ça me distrait,
Y ont pas l’air vrais
Ils m’ont l’air au coton...
Tic tac tic tac tic tac…
Yé quelle heure là?
Deux heures moins quart !
Pis j’dors pas encore.
Boum ,boum, boum, boum…
C’est quoi ce bruit là dans mes oreilles?
Ça me réveille.
Ah, c’est mon cœur.
Boum, boum, pfff, pfff, boum, boum…
Me semble qu’il saute des coches lui-là.
Aïe, faudrait pas qu’il lâche.
Aïe, j’ferais quoi, moi ?
J’me plogue sur quoi, moi-là ?
Pas de génératrice, pas de batterie, pas de spare.
Peux pas aller ailleurs. Peux pas attendre à demain…
Lâche pas mon cœur.
Toffe, toffe mon pauvre cœur…
Mon pauvre cœur, pompe ton sang
Je n’ai plus d’amour en réserve
Je n’ai plus de feu, que du sang.
Pompe mon cœur, qu’au moins tu serves,…
Les temps sont…
Ah, ta yeulle, ta yeulle !
Faut que tu dormes.
Tic tac tic tac tic tac…
Maudite oreiller, encore toute chaude.
J’passe mon temps à la retourner.
Ça me réveille.
Je vais inventer un refroidisseur d’oreiller.
J’m’a ben finir par devenir millionnaire !
Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt,
Imagine toi, ceux qui dorment pas…
Si j’voulais, j’aurais le temps de régler
Tous les problèmes dans le monde.
Ouais… Mais c’est peut-être ça mon problème :
J’me couche après les Nouvelles.
Ça va mal dans le monde
Pis j’le prends personnel.
Penser, penser, penser :
C’est rien que ça que je fais penser.
J’pense à toute, j’pense à rien.
J’pense à penser à rien
Comme un politicien
Sauf, que je dors pas !
Envoye Serge, fa toé une chanson,
Ça va peut-être t’endormir
D’habitude, t’es bon là-dedans
Lalalalalalalalala…

RRRRRRRRR


Copyright © 2009 S. Timmons

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Comme vous voyez j’ai besoin de vacances. On reprendra donc cette chronique quelque part en septembre. Bon été !

dimanche 20 juin 2010

La paternité, le propre de l’Homme


Une mère et ses petits. Quel beau tableau ! D’instinct, la femelle protège ce qu’elle enfante. C’est un lien fort, naturel, bien observable dans la nature. Pas folle la nature, elle a prévu bien des choses. D’abord deux sexes, chacun manquant terriblement à l’autre pour qu’ainsi l’espèce se recherche, se reconnaisse. Et puis, un sexe seulement pour reproduire l’espèce. Un seul. (Toujours le même, sinon ce serait l’anarchie). Un seul sexe responsable de la continuité de l’espèce. Fondamental. Un sexe produisant à la fois l’un et l’autre, le mâle et la femelle. Quel est ce super sexe? La femelle. Eh, oui. L’autre, le…, voyons, l’autre-là, … c’est quoi encore… ah oui, le mâle, eh bien, lui il butine, batifole, s’amuse et fournit à l’occasion la clé de la serrure. Mais à part ça pas grand-chose; il ronfle ou s’occupe à la guerre. Il tue ses semblables, surtout de potentiels rivaux, et retourne ronfler auprès des femelles qu’il (autre activité prenante) essaie de séduire.

Voilà en résumé (et enfin dévoilé) le mystère de la nature.

Mais le tableau ne serait pas complet, enfin disons fonctionnel, si la femelle ne se transformait pas tout à coup en maman. UNE MAMAN. Fini la jupe courte pour séduire le gros mâle épais. Ses attributs serviront d’abord à nourrir le rejeton. Un lien fort, pratiquement inconditionnel, fera qu’elle protégera, du moins pour un temps, la vie qu’elle donne. Et c’est bien heureux, car s’il fallait que son premier réflexe soit de manger sa progéniture on serait bien avancé ! Non, la Nature a prévu le coup, elle a disposé un ingrédient essentiel chez la femelle, la « maternité ». (Non pas l’amour, arrêtez-moi ça, la maternité. On est scientifique là, pas romantique). Voilà pour la nature : la maternité, et la vie continue.

Et la paternité dans tout ça ? Bah, ça n’existe pas. C’est une invention de l’Homme. La nature n’a pas besoin de ça. Mais si la Nature n’est pas folle, l’Homme n’est pas fou non plus. En tant qu’être conscient, orgueilleux, et j’ajouterais sentimental, l’homme, je veux dire le mâle, c'est-à-dire l’homme de l’Homme... enfin vous comprenez ce que je veux dire, n’a pas voulu être en reste et, par des liens intellectuels forts, il a créé un type de maternité inusité dans la nature : LA PATERNITÉ. Une relation cérébrale avec sa descendance, unique à son espèce. N’est-ce pas merveilleux? Plus que le sang la relation s’établit sur la conscience, la quête de l’identité, le tutorat. N’est-ce pas aussi un très joli tableau que celui d’un père tenant la main d’un enfant marchant à ses côtés ? La nature s’en étonnera peut-être. Trouvera ça peut-être superflu. Pas moi. Pour une fois je trouve que l’Homme a eu une très bonne idée pour la suite du monde : un papa. Un PAPA, et le petit est doublement protégé, mieux encore, diverti. La nature devrait s’en inspirer. Voilà où je voulais en venir, mais il fallait avant tout expliquer.

Bonne Fête des Pères !


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dimanche 13 juin 2010

Mot à mot



DANS LA VIE, FAUT SAVOIR CONJUGUER.

À présent mon passé est imparfait.
Il est impératif que mon futur soit plus que parfait.
Ce n’est pas conditionnel.

Bon, je sais, c’est simple, je ne l’ai pas assez composé.


UN LIVRE, COMME SI VOUS Y ÉTIEZ

C’est bien un film, ça nous permet de voir une histoire. Mais un livre c’est mieux, ça nous permet de la vivre.


PENSEZ AUX MOTS

C’est utile des mots, ça permet de penser. Notez tous les nouveaux mots que vous trouvez, ils pourront vous servir un jour pour vous déprendre dans vos pensées.


MOI, LIBRE ?

Jamais. Jamais je n’accepterais de faire autant de concessions.


SIMPLEMENT

La simplicité volontaire, bien sûr. J’essaie de la pratiquer… mais à l’épicurienne. Disons que je me considère un simplicitaire modéré.


DANS LE FASTE ET L’OPULENCE

C’est bien normal quand on réunit 42 chefs d’État pour une conférence exceptionnelle sur la crise alimentaire mondiale.
À Rome, en 2008.


LE CHAMP D’HONNEUR

On n’a plus d’argent, rentrez aux pays !
Mais la guerre, monsieur ? La Cause ? L’honneur ?
Bah ! On n’a plus les moyens.

Mauvais calcul.
On fait des guerres qui coûtent des milliards quand on aurait la paix à moitié prix, si on partageait un peu. Mais on ne compte pas là-dessus !


CES HOMMES QUI HAÏSSENT TROP

Haïr, c’est trop de considération.
Ne pas aimer me suffira.


L’INCOMPRIS

Quand j’ai demandé un coup de main, je ne pensais pas l’avoir dans face.


LÉGITIME DÉFENSE

Je suis pacifiste, mais j’espère avoir les os assez durs pour que tu te casses les jointures.




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dimanche 6 juin 2010

Lettre à un camarade en voie de découragement



Vivre de sa passion, c’est le rêve de tout le monde. Certains y parviennent, mais la plupart n’y arrivent pas. Certaines passions sont plus vivables que d’autres, le commerce par exemple. Ça, ça marche plutôt bien dans notre société. Mais la chanson, la chanson ! mon pauvre vieux, des plans pour en mourir. On ne vit pas de la chanson (sauf exception, bien sûr), mais on vit par elle. Ça nous prend ça. Sinon, le pacte du quotidien ne tient plus pour des passionnés comme nous. Aussi bien se faire à l’idée. Nous sommes des amuseurs, nous offrons au monde des friandises. C’est beaucoup pour notre gloire, mais c’est bien peu pour le commerce.
Et puis des rêveurs pour divertir le peuple, ça en prend. On n’est pas loin de la charité chrétienne. Pense à ça chaque fois que tu crèveras de faim. Socialement, nous sommes une fantaisie nécessaire.

Question d’âge maintenant, tu te sens trop vieux ? Bah, je ne vois pas ce que cela vient faire dans l’affaire. Oui je sais, je perçois bien comme les autres la vue unique (comme la pensée); la chanson c’est jeune, c’est body, pas l’affaire des mononcles. Les jeunes peuvent chanter des chansons de matante à Star Académie, ça passe, mais un vieux avec une création toute moderne n’a pas d’affaire-là. On n’est pas assez habitué à ça. Mais au-delà de la surprise, peut-on en revenir un moment donné? La chanson ou la littérature, ou la peinture, ou la sculpture… bref ce n’est pas l’athlétisme, ce n’est pas entreprendre une carrière au hockey. Veux-tu bien me dire ce que l’âge a affaire là-dedans ?
Ah, c’est vrai, les producteurs ne voudront pas investir des milliers de dollars dans un vieux qui peut crever d’un moment à l’autre. Trop risqué. Ils aiment mieux perdre nos subventions dans des carrières qui foirent 7 fois sur 10.

Et puis je ne suis pas si sûr que le temps nous soit plus compté pour nous. Les jeunes n’ont pas plus de temps que nous pour réaliser leur rêve. Ils sont impatients, ils ont une famille à fonder, de l’argent à ramasser, plein de bébelles à acheter. Si après quelques années ils ne percent pas, ils deviennent vendeurs. Ou alors ils restent artistes toute leur vie, et le succès viendra ou viendra pas. Ça nous ressemble, je trouve. Une carrière se développe sur 5 ans, en moyenne. On a au moins ça devant nous. Les Beatles ont tout fait en 10 ans. On fera un peu moins, c’est tout. Au pire.

« Oui, mais le succès ne vient pas. Et ça devient long à cinquante ans. » Là, mon vieux, on touche le fond de la chose. Je ne sais pas trop ton parcours, mais moi je me considère en émergence. Si ce qu’on fait est très bon (le très est important), on va finir par passer là où on veut passer. C’est à nous d’y croire, de proposer, et même l’imposer. Mais autrement, si c’est juste bon, ça restera pour nous, des toiles qu’on exposera dans nos salons ou chez la famille. C’est bien quand même, beau passe-temps, mais ça reste du jardinage. Notre égo ne sera pas content. Le mien en tout cas, je le connais, il n’endurera pas ça. Le succès peut attendre, pas la valeur.

Il faut examiner sérieusement notre produit, sans complaisance. Est-ce d’intérêt public ? Une chanson doit être reprise, sinon elle ne sert à rien. Pas nécessaire d’être un grand Chef, mais si les gens ne reviennent pas dans ton resto, cuisine pour toi. Connaissant la valeur de tes chansons et ne les ayant jamais entendues avant, j’imagine que tu n’as jamais vraiment opéré ton commerce. Alors faudrait commencer par là. Aller proposer, imposer, prendre les moyens et prendre patience. Et surtout être ACTUELS. On est en émergence, mon vieux. En émergence et tout à fait actuel.

Et quoi encore ? Ah oui, « il ya tant de talents au Québec, il y a des millions de chansons… c’en est déconcertant. »

Eh bien moi je concède tout de suite : ils sont presque tous meilleurs que moi. Dans un exercice imposé, je ne crois pas tellement à mes chances. MAIS, il n’y en a pas un qui fait ce que je fais. Je ne connais pas un autre Marc Provost dans le tas. Moi, je vais applaudir machin, chose, truc et celui-là. Du moment qu’il est intéressant il n’a pas à se soucier des autres. Si j’ai le goût d’entendre Un vendredi, donc parce que j’aime cette chanson, Brassens ou Desjardins ne me seront pas utiles. Ça me prend Provost.

Et puis autre chose, beaucoup de talents, des millions de chansons, mais pas beaucoup d’offres différentes. Cent jeunes talentueux qui s’habillent pareil et chantent à peu près pareil, ça n’en fait toujours rien qu’un. Mille chansons sur à peu près le même air, le même rythme, les mêmes mots, ça n’en fait toujours rien qu’une. Il y a un public, mon cher, qui voudrait peut-être autre chose qu’un hot-dog moutarde, choux. On ne sait pas. Je crois même qu’il y a un énorme public (notre génération) qui ne se retrouve pas tellement avec le «son » d’aujourd’hui.

Mais heureusement, nous sommes là. Toujours à la rescousse avec nos petites gâteries. Assurons-nous que ça goûte bon, et allons proposer nos choses.

À l’ouvrage mon vieux, on a du monde à divertir. Et il en a bien besoin.


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dimanche 30 mai 2010

Futilité (Paroles et musique : Serge Timmons)


Futilité, futilité.
Partout où je regarde, ici, ailleurs
Futilité et fausses douceurs
L’insignifiance nous assaille
Dès le premier regard
Et nous tient en tenailles
Toujours avides, toujours hagards
Toujours l’inassouvi, toujours la redemande
Toujours la main tendue entre le coffre et la commande

Que tout fonctionne, ça tient du miracle
Que tout ça tienne, ça tient du mystère
À genoux dans la cour des miracles
À genoux à prier, à se taire, à crier aux loups, aux loups…

Frivolité, frivolité.
Partout où je regarde, ici, ailleurs
Frivolité et fausses douceurs
Partout de clinquants coquillages
Mais sans jamais perle dedans
Dessous le maquillage
Que des grimaces de mal aux dents
Des cœurs mal aimés en quête de vertige
Que décor et des corps livrés à la lubricité

Que de beautés tristement fugitives
Que de beautés si laides à regarder
En parade, inconscientes, festives
Mardi gras, carnaval, bal masqué, sous le loup, des loups, des loups…

Que tout fonctionne, ça tient du miracle
Que tout ça tienne, ça tient du mystère
En même temps, tout rit et tout pleure
En mêm’temps c’est la guerre qui se fait dans les fleurs et des loups, des loups …


Copyright © 2009 S. Timmons

dimanche 23 mai 2010

Dialogue de fous


Lors de mes promenades il m’arrive souvent d’arrêter au parc, m’assoir sur un banc, et m’installer comme au cinéma, pop corn et boisson en main, m’abandonnant à la présentation. Écran géant sur 360o. Imax au max. Les couleurs, le son, les acteurs… on s’y croirait. Les petits bateaux sur l’eau, les enfants en vélo qui circulent dans le lot des messieurs et des mesdames sur le pont, tout en rond, … c’est la vie. La grande représentation.

Depuis quelques temps je remarque ces deux personnages détonnant dans le décor, bizarres, naïfs, semblant débarquer tout droit d’une étoile en dérive. Un grand maigre et un petit gros. Genre Laurel et Hardie. Ils n’ont pas d’âge. Semblent sans visage. Une apparition sur un banc. Ils jasent. Le plus grand me paraît le plus mystérieux. Il semble flotter au-dessus des choses, éthéré mal étriqué, je l’appelle le Grand A. L’autre, le plus vraisemblable, plus petit, rond, potiron, c’est le questionneux, l’indécis, me fait penser à un petit b, comme dans une sous-question.

Ma présence sur le banc voisin ne semble pas les déranger dans leurs élucubrations. Alors j’en profite pour tendre un peu l’oreille. C’est étonnant tout ce que je peux entendre. Ça ne parle pas hockey, je vous jure. Ni politique. Ni REER, ni maladie. Ni des as-tu-vu-ça. Ni des ça-s’peux-tu.
Ni des femmes, ni des jeunes. Ni de la pluie ou du beau temps. Ni de ci ou de ça. Ni de veau, vache, porc. Ni de poule. Ni des nids-de-poule. Ni de tout, ni de rien. Ni de tout ce que vous voudrez… ni de laissez-moi parler, je vais le dire mais laissez-moi parler, vous ne trouverez pas, je vous le donne en mille… Ils ne parlent de rien. Rien. Que philosophie. Voilà. Philosophie. C’est très étonnant.

Tiens, je vous fais rapport de leurs dernières discussions. Enfin, ce que j’ai pu en comprendre.

Petit b - En quoi crois-tu ?

Grand A - En rien

b - Pourquoi on vit alors ?

A - J’ne sais pas. Pourquoi on meurt ?

b - C’est l’usure des choses, j’imagine. Un cycle dans la vie qui se termine.

A - Pourquoi un cycle ?

b - Pour que les choses évoluent, sans doute.

A - Pourquoi les choses doivent-elles évoluer ?

b - Parce que c’est ainsi. C’est la vie.

A - Alors ma réponse vaut la tienne. Pourquoi on vit ? Parce que c’est ainsi. Ce n’est pas plus important d’y trouver un sens. Au pourquoi la vie, faut aussi questionner pourquoi la mort ?

b - Mais ça ne t’intrigues pas la vie ? Toute cette existence, pour un philosophe comme toi ?

A - Oui, bien sûr. C’est un grand mystère. Mais je ne crois en rien. Je ne crois pas qu’il y ait une Intention derrière tout ça. On en veut une parce que notre esprit est ainsi fait. C’est dans notre habitude. Comme on voit une limite aux choses alors qu’il n’y en n’a probablement pas. On définit par concept. Ce sont des repères. On fait des choses par intention. On les crée. On en voit le début et la fin. Alors je crois qu’on transpose à l’Univers, notre univers. On voit l’effet, on comprend la cause. Mais comprendre la cause n’explique pas le sens ou le but. On accepte l’idée de l’Éternité ou de l’Infini, mais personne n’en a vraiment idée. On peut virer fou à vouloir bien se l’imaginer, bien se l’intégrer, bien s’accaparer le concept. Ce n’est pas pour nous. Nous sommes limités, concevons avec des limites. Sinon on étouffe, on est perdu. On vire fou. Accepter qu’il n’y ait pas d’Intention, c’est comme accepter qu’il n’y ait pas de limite, temps ou espace. Mais ça fait trop peur à la Morale et surtout à la Société. Ça nous touche de plus près, ça nous interpelle, c’est trop désemparant. Alors on se fait des représentations, on voit les choses avec des limites et des raisons. Et on croit que c’est dans l’ordre des choses. Que c’est Universel.

b - Ben, voyons donc. Tiens, ce banc où nous sommes assis est bien défini, bien délimité.

A - C’est un assemblage ponctuel d’objet. C’était toutes sortes de choses avant. Ce sera toutes sortes de choses après. Dans l’instant précis on définit ça comme un banc, mais dans l’univers, dans la continuité du temps ce n’est qu’un amas de choses temporairement réunis, qui n’a pas plus de sens, ainsi. Utile et voulu par nous, oui, mais pour l’araignée, c’est un amas, un lieu propice à y tisser une toile, c’est tout. Ce banc est une extension à l’arbre, aux pierres, à l’entourage, un accident du relief. Comme une roche parmi les roches. Isolable et fondue dans l’ensemble.

b - Que les choses aient une « existence » différente selon la perception de chacun, elles existent quand même, et sont définies par le fait même. C’est par l’esprit qu’on distingue… et naît la conception de l’univers.

A - Je ne doute pas que ça existe. Mais je ne crois pas à l’Intention. Je ne crois en rien. Croire, suppose l’élaboration d’une théorie, un scénario, du plus loufoque au plus raisonnable, MAIS jamais unique, véritable et vérifiable. Croire à se tromper assurément n’est pas plus valable, selon moi, que de ne croire en rien. C’est tout ce que je dis. Ça satisfait sans doute un malaise, en empêche plusieurs de sombrer dans la démence, ça permet sans doute à certains de s’accrocher à quelque chose pour ne pas être en chute libre, mais comme c’est assurément faux, ASSURÉMENT FAUX pour l’une ou l’autre croyance j’en conclus que c’est l’illusion qui est importante. Une ILLUSION, et ça fonctionne. Du moment qu’on y croit.

b - Mais toi, croyant en rien, comment fais-tu pour fonctionner?

A - Je me persuade de ne croire en rien.

**

Je ne sais pas si j’ai bien rendu le dialogue auquel j’ai assisté, mais c’est à peu près ça. Avant d’avoir mal à la tête, je suis allé m’acheter un cornet de crème glacée. Froide. Froide à m’en barrer le front.


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dimanche 16 mai 2010

Mon cœur s’est tu



Mon cœur ne parle plus
Il s’est tu

Je voudrais parler mais le cœur n’y est plus
Il est en douleur Et il s’est tu
Alors rien ne va plus

Que reste-t-il ainsi de moi
Pantin aux fils rompus
Pantin qui ne joue plus
Que reste-t-il ainsi de moi

Qu’un vague animal
Qu’une viande perdue
Même les loups ne me désirent plus
Ils voient bien que je n’ai rien à défendre
Rien d’une âme tendre
Rien d’un cœur déjà mordu
Mon cœur qui ne parle plus
Qui s’est tu
Tu.


***

dimanche 2 mai 2010

À L'OUVRAGE suite et fin


Fin août

C’est demain, vendredi, que Pierre doit s’affranchir. À vingt-trois ans il partira enfin de chez lui pour faire sa vie d’adulte, vivre en appartement. Son père, un ivrogne consommé, un despote de la pire espèce, ne pourra rien devant la décision ferme et réfléchie de son fils qui a besoin de tout son argent pour faire sa vie.

- Hein Pierre, que tu déménages demain ?

- Ah, oui. Ah, oui. Cé…cé t’à moé c’t’argent-là. J’mas faire ce que j’veux avec.

- À soir, quand ton père va te demander d’l’argent, tu vas y dire que tu y donnes rien que trente piastres et pi que tu t’en vas demain. Hein, Pierre ?

- Ouin, çartain ! Cé çartain. Rien que trente piass le père, que j’m’as y dire. Rien que trente piass, pas une cenne de plus.

- Bon, ben tu vois ben qu’y va l’faire, dis-je à Montpetit.

- Pi tu le croé, toé ? me dit-il. Sacrament ! Y’é ben trop chieux pour le faire, voyons donc ! Ça fa plus qu’un an qui nous dit ça à toué mois, pi y fa jama rien.

- C’est-tu vrai Pierre ? dis-je.

- Cé… cé…. cccé…. vra, mais à soir ça… ça… va changer. Çartain, me dit-il, en regardant Montpetit.

- Dis-y, Ouellette, comment ton père te traite, tabarnak, lui cria Montpetit. Dis-y donc, comment qui te laisse d’argent par semaine su ta paye.

- Heueuueuu ! rien que douze piass, le maudit. Heuueuuueu !

- Comment? dis-je, étonné. Quoi ? C’est une farce. Douze piastres ?

- Ben oui ! douze piass, confirma Montpetit. Pi en plus avec ça faut qu’y s’achète ses tickets d’autobus. Y di reste sept piastres, stie! Comme un ti-gars d’école. Pi son père, lui, y collecte cent vingt, le porc !

- C’est pour lui mettre à banque, peut-être… risquai-je alors.

- Saint-Ciboire ! Sois pas aussi naïf que lui, me dit Montpetit. Son père c’est un ivrogne, y a pas une crisse de cenne, y a boé toute, ostie. Pi c’te grand baba-là, pointant Pierre, y attend dans l’char comme un p’tit chien que son père ait fini de boire sa paye. Au moins si y a buva avec son gars, l’sans cœur, mais non, y di défend même de mettre les pieds d’une taverne.

- Cé tu vra ça Pierre? dis-je, surpris.

- Heuueuueeuu… cé…. cé…..heuueuue…cé vra, me dit Ouellette en riant nerveusement. Même dé…ddddé…dé…fois cccé….ccé …cé moé qui
chauffe son…so..son…char pppppparpppppaarparce qui é trop saoul pour
conduire. Heuueuuue….

- Ah, ben c’est rare ! SA…CRA…MENT ! dis-je révolté à Montpetit qui acquiesça. Ça m’dépasse… Pierre, à soir, tu y donnes pas ta paye, hein ? Que cé qu’t’attends pour t’en aller de chez-vous, christ de fou !

- Y attends d’avoir d’l’argent. Comme si y pouva s’ramasser d’l’argent avec juste une couple de piass par semaine, dit Montpetit. Ça fa plusieurs fois que j’y dis que j’suis prêt à y payer son premier mois, pi y passer d’l’argent. Léo, aussi. Jacques, aussi. Tout l’monde icitte on est prêt à l’aider, pi y fa rien l’maudit sans dessein.

- Pierre, es-tu ben décidé de sacrer ton camp? Tu viendras vivre chez-nous en attendant de te trouver quelque chose, dis-je voulant à mon tour faire ma part.

- Hehhheeeuu, oui, çartain, heuueuuue….



Le lendemain je m’attendais réellement à partir avec Montpetit chercher les affaires de Pierre et l’emménager chez moi. Mais quand je le vis, le matin, rire comme un idiot, les épaules plus courbées qu’à l’habitude, je n’y croyais plus. Quand Montpetit arriva, il l’interrogea.

- Pi, Ouellette? Montre-moé donc l’argent qu’ t’as empêché ton père de t’voler ? dit-il en le narguant.

- Heuueuueheueu… Heueueueu… J’y…j’y... j’y ai dododoonndonné, mais poupoupour la dddddddernière fois. Heuuuueuueehhheeuuu…


**


Fin d’été

Tout le personnel régulier revenu de leurs vacances, je fus libéré. Plusieurs de mes amis arrivaient de voyage, ils avaient tous quelque chose à raconter. Ils avaient vu le monde. Moi, je n’avais évidemment rien vu. Pourtant j’avais l’impression de le découvrir.




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dimanche 25 avril 2010

À L'OUVRAGE suite



Fin juillet

L’été semblait déjà vouloir s’éteindre. Tout ce que j’en avais eu c’était des miettes, des filets de soleil gobés aux portes de l’expédition à l’heure de notre demi-heure de lunch ou entre deux trajets d’autobus. Les fins de semaine, faut s’y attendre, il pleut toujours. Je commençais à m’installer tranquillement dans ce nouvel univers.

- Hey, Pierre, le truck d’Anjou est là. Pi y é plein. Amènes-toé un diable, viens m’aider à le décharger, avais-je crié à Ouellette.

On recevait deux ou trois fois par semaine des chargements de rouleaux de tissu. Ils venaient de Ville d’Anjou, d’une manufacture affiliée à la Eagle pour être teints ici. Fallait donc prendre les rouleaux un à un, les charger sur le diable et les emporter en arrière où sont les cuves à teinture. Cette fois-ci, on en avait certainement pour deux heures. J’aimais bien faire ce travail avec Pierre. Il était toujours prêt à s’amuser. Alors on jouait aux autos comme des débiles. Vroom, vroom, on passait en deuxième, beep, beep ! ôtes-toé d’là. Vroom, vroom, Hiiiiiiiiiiiiiiiii! On faisait des courses, on virait carré, on se dépassait, on se croisait, on faisait des accidents.

C’était vraiment amusant. Parfois Jacques venait se joindre à nous; là c’était du trafic. Par moment l’un de nous fonçait tellement vite sur l’autre, qu’à la dernière seconde, en voulant l’éviter, il dérapait et c’était une collision monstre. Souvent emboutie par le troisième qui suivait derrière à toute vitesse, la langue pendante. Le choc était considérable. Les rouleaux rebondissaient et nous étions projetés à des kilomètres plus loin. Mais on ne se faisait pas mal, on retombait toujours sur ces paquets mous empilés par terre.

Je m’entendais bien avec ces deux-là. C’était mes deux apôtres. On allait souvent prendre une bière (suivie de plusieurs) à la taverne du coin. Le vendredi soir, Pierre, qui les autres jours rentrait chez-lui immédiatement après l’ouvrage, nous accompagnait une couple d’heures. Je finissais de boire avec Jacques puis on s’en retournait à pied jusqu’au métro. On marchait un peu croche. On ne pensait pas trop droit non plus. C’était mes meilleurs moments de l’été. Engourdi par l’alcool, je me sentais l’âme d’un grand poète; c’était beau de voir la ville lentement ralentir, digérer le repas du soir sur le balcon, s’engloutir doucement dans la pénombre où l’air dégagé ne traîne plus alors que de vagues échos de cris d’enfants s’amusant dans les ruelles.


**

à suivre

dimanche 18 avril 2010

À L'OUVRAGE suite



Le lundi suivant je commençais à 7.30h. Baribeau m’avait emmené à l’expédition et m’avait présenté à un certain Rosario, un italien qui partait tous les matins faire des livraisons. Il y avait trois ou quatre chariots chargés de rouleaux de tissu emballés dans du papier brun. Chaque rouleau devait bien mesurer six pieds, avoir un diamètre de douze à quinze pouces et peser cinquante livres. Ma job, pardon monsieur Baribeau, mon job, c’est de convaincre ces rouleaux-là qu’ils peuvent tous entrer dans le camion de Rosario, quitte à les forcer manu militari. Je m’exécutai. Mon pouvoir de persuasion sembla satisfaire tout le monde.

Après une heure j’avais terminé cette opération délicate et je m’épongeais le front. C’est alors que tout mon entourage m’apparut. Pfffff! C’est impressionnant. Que de désordre ! Que de crasse ! Que de vilaines têtes ! Que de fumée ! Que de bruit! La guerre, mon Dieu, la guerre ! Et qu’il est laid ce petit gros-là qui passe devant moi à toutes les cinq minutes avec un rouleau sur l’épaule. Quel genre d’insecte, est-ce donc ? Quand le grand noir là-bas a terminé d’emballer un rouleau, mon petit gros y colle une étiquette, le charge sur son épaule et part le déposer dans un des chariots à l’autre bout. Puis il retourne à la table d’emballage et répète l’opération. Il repart déposer un autre rouleau au fond, et puis il revient, et puis il repart, et puis les heures passent, et puis les jours, les mois, les années, la vie peut-être… Une fourmi géante. Ça m’intéresse.

- T’es nouveau ? me demanda-t-il.
- Oui, et amélioré, répondis-je.
- Tu vas voir, icitte on est pas pire…

Il me parlait comme un prisonnier dans un camp de concentration cherchant à rassurer le nouveau venu.

- En arrière, c’est pire. C’est dangereux, fa chaud, pi en plus t’as toujours un boss dans l’cul. As-tu vu Montpetit ?
- Ton petit quoi ? Qu’est-ce que tu veux me montrer-là ?
- C’est le shipper. C’est ton boss. Y rentre pas avant neuf heures d’habitude; y devrait être à veille, là.

Puis, il retourna à la table d’emballage où déjà deux rouleaux s’impatientaient.


À côté de la cabine de l’expéditeur il y avait trois espèces de métiers à tisser derrière chacun desquels un homme jouait du ciseau sous un néon. Aucun ne parlait. D’ailleurs auraient-ils pu ? Ils me semblaient tous de nationalités bien différentes. Et puis, ils étaient tous affairés à reprendre un fil, couper celui-ci, nouer celui-là, repartir le métier, l’arrêter au bout de quelques minutes, changer quelques bobines, repartir la machine, l’arrêter encore, changer les rouleaux. Un peu partout il y avait des rouleaux de tissu ça et là, placés un peu n’importe où, à la va-comme-je-t-accote. Mais ce qui remplissait le plus l’endroit c’était davantage le bruit des brûleurs et des moulins à coudre géants assourdissant l’espace écrasée sous une épaisse boucane bleue et malodorante.

Je pensai un instant que je devais être en enfer. Ça s’peut, je n’avais pas tellement suivi le droit chemin à l’école. Tous mes copains, eux, ayant étudié religieusement, devaient être aujourd’hui à l’air climatisé dans des bureaux, bien assis sous leur diplôme, entourés d’angéliques secrétaires, l’âme en paix in saecula saecularum… Moi ? Eh bien moi, j’expiais.

Et expier ça donne soif. Je me levai donc pour me rendre à l’abreuvoir. Quand je revins vers mon banc on venait d’allumer dans la cabine de l’expéditeur. C’était Montpetit qui venait d’arriver et suspendait Sontpetit veston de cuir. Il devait avoir vingt-sept ans environ. Il portait une fine moustache noire, les cheveux courts, lisses, et avait une face bien carrée. Les épaules aussi étaient carrées. Il n’était pas gros, ni grand, mais carré. Tout était en angle droit chez-lui : le menton, le front, le crâne, le tronc. C’était un cube finalement. Il m’indiqua un peu mes tâches, me montrant les connaissements d’expédition que je devais remplir quand les transports arriveraient. Comme pour l’instant il n’y avait pas d’ouvrage il me libéra jusqu’à nouvel ordre. Je retournai donc à mon banc, et mon petit gros de tantôt me fit la jasette entre deux trajets. On s’échangea nos noms et un peu de notre bio. Il s’appelait Jacques, avait mon âge, vingt et un an, avait laissé l’école en neuvième année, demeurait avec sa mère et sa sœur dans un appartement, rue Mont-Royal.

Pendant la conversation j’avais remarqué un grand maigre à la pomme d’Adam saillante qui, debout à la porte de l’office de Montpetit, riait d’une voix rauque comme un fou de village. Jacques lui lâcha un cri : « Hey, Ouellette! pi, que cé qu’à la va d’l’air ta blonde en fin de semaine? »


Et le grand maigre, toujours avec un rire saccadé d’idiot s’approcha vers nous. Il avait la peau brune, comme sale, et portait ostensiblement un partiel qui lui mordait la lèvre inférieure.

- Heuueuuheueuheuu ! A n’ava une maudite paire, Jacques. Aïe, comme ça ! Heuueh ! Heueuh !
- Maudit, qu’t’es menteur Ouellette, lui dit Jacques en riant quand même.
- J’te l’jure, lui fit l’autre.
- Ouais, ouais ! répliqua Jacques sceptique mais ne voulant pas trop détruire l’illusion du playboy.

Jacques nous présenta l’un à l’autre; j’appris que Ouellette se prénommait Pierre, qu’il travaillait ici jusqu’à ce matin mais que désormais il serait affecté au département du second, c’est-à-dire au rechapage des rouleaux défectueux. Tout en bégayant légèrement il recommençait pour Jacques, et peut-être pour moi aussi, toute son histoire de la fin de semaine : la drague de la blonde aux gros tétons dans un bar vendredi soir, la nuit entière à la baiser comme une bête en rut, la tournée des discothèques le lendemain avec elle à son bras, et le dimanche, un mal de chien à s’en débarrasser. Mais Jacques toujours incrédule, continuait de rire en se levant pour aller travailler. Pierre Ouellette retourna amuser Montpetit qui, l’écoutant d’une oreille, remplissait des papiers et pitonnait sur sa calculatrice.


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à suivre

dimanche 11 avril 2010

À L’OUVRAGE


Fin juin

On est en ’75. Je venais de terminer mon CEGEP. Ou plutôt, le CEGEP en avait terminé avec moi; on avait jugé qu’après deux ans c’était suffisant pour approfondir une première session. Faut dire qu’à la fin je connaissais par cœur toutes les questions… mais pas toujours encore les réponses.

Il me fallait un emploi. Après quelques mois de recherches assidues dans les tavernes je trouvai finalement, dans un journal subventionné par mon colocataire, la rubrique des offres d’emploi qui n’était pas, en fin de compte, si distancée de celles des sports.

JEUNE HOMME DEMANDÉ POUR TRAVAIL À L’EXPÉDITION D’UNE MANUFACTURE DE TEXTILE. AUCUNE EXPÉRIENCE REQUISE. ANGLAIS PAS NÉCESSAIRE. TÉL. : 534-2793. DEMANDER M. B. BARIBEAU.

L’idée me vint, je ne sais pourquoi, de vérifier si c’était bien le bon numéro de téléphone, et s’il n’était pas d’usage d’ajouter à B. Baribeau, badiboum tra la la . En franglais on me donna une adress où on me demanda de m’y présenter as soon as possible. Avant même que je puisse demander si je pouvais m’y rendre avant, on avait raccroché.

Après autobus, métro, autobus, marche à pied j’aboutis à l’adresse, coin Van Horne / Hutchisson où s’élevait en ruine la EAGLE TEXTILE, vieille bâtisse délabrée en briques rouges avec de larges fenêtres à carreaux dont plusieurs vitres étaient brisées sinon carrément remplacées par des planches. Bel endroit pour passer mes vacances! Tel qu’indiqué, j’ai demandé monsieur B. Baribeau. On me le présenta. Il me fit remplir un formulaire. Puis il m’interrogea. Comme il était français, parisien plus précisément, je n’eus donc aucun mot à dire dans cette entrevue. L’ayant trouvée fort intéressante, il m’engagea sur le champ. Alors on négocia. Après deux bonnes minutes, j’obtins le salaire minimum en échange de quoi je fournirais un rendement minimum… Tope là, on est en business !

*

Suite la semaine prochaine

dimanche 4 avril 2010

Erreur de jugement


Subtilité, que tu es étrange à la meute ! On ne voit rien au-delà des apparences. Si on n’est pas un peu poète ou philosophe on dépasse rarement le stade du guignol.

Il y a trop de nuances, c’est difficile. Il faudrait des uniformes pour éviter les ambiguïtés. Un méchant devrait avoir une gueule de méchant, et le gentil devrait toujours être beau. Ce serait tellement plus facile comme ça. Mais il arrive trop souvent que ce soit l’inverse, et c’est bien contrariant. Nos penchants sont ambivalents. Que faut-il s’attendre d’un fourbe ou d’un fraudeur : qu’il nous déplaise, qu’il nous rudoie ? Il est assurément gentil et prévenant. Et la brute, le misanthrope, celui qui ne vous salue jamais, vous surprendra toujours de venir à votre secours.

Les roucouleurs ont tout dans la gorge, rien dans le cœur, c’est bien connu. Et les roucoulés (les innocents) ont tout dans le ventre, rien dans la tête, ça on l’oublie trop souvent. Les victimes ne sont pas sans péché, j’y vois toujours au moins vanité ou cupidité. Ça fait beaucoup de matière aux romanciers.


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Tout est relatif.

Dans le journal La Presse (p.A8) 1er octobre 2009 :
…depuis 2005, 104 piétons tués, 612 blessés, sur le seul territoire montréalais.

Combien de morts canadiens encore en Afghanistan depuis 2002, dans une GUERRE ?

Je dis ça comme ça.
D’accord, d’accord. Tout est relatif, mais pas comparable. D’accord.

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dimanche 28 mars 2010

JOUR DE BUANDERIE
Satire

Tableau III

Il y a encore dans cette buanderie
Une grosse maman et ses deux enfants chéris.
La mère tâche fort de rendre son linge blanc
Et ces petits rejetons, eux, de briser un banc.
On peut voir l’aînée, à pieds joints, sauter dessus,
Tandis que dessous rampe le cadet reclus.
Il en est à mordre le bois quand, tout à coup,
En arrachant la tuile, il renifle beaucoup :
Péniblement il tire d’un amas de poussière
Une chose étrange faite d’une gluante matière,
Genre de sucrerie devant être autrefois
Petit bonbon à peine sucé quelques fois.
Comme clochard trouvant un cigare, le petit
Exhibe sa trouvaille avec joie et appétit
À sa sœur ainée qui en éructe à l’avance
Du goût divin que doit avoir cette substance.
De droit d’aînesse elle réquisitionne l’objet
Et le met dans sa gueule, d’un coup, au complet.
Le bébé en criant le lui sort de la bouche
Elle le reprend… et commence une lutte farouche.
Le bonbon se fait tirer à gauche et à droite,
Prenant soudain des couleurs dans leurs mains moites.
Puis le cadet, lassé, crache sur elle et fait gaffe,
Car insultée v’là, comme un chien, qu’elle gronde et paf!
L’immonde ainée dans un geste vif et subit
Fait claquer sa main dans la face du petit,
Lui arrachant, mon dieu, presque du coup l’œil droit
(Ce qui, sur le choc, le remet presqu’à l’endroit).
Furibond, le bambin charge en se relevant
Dans l’estomac de sa sœur, mou et recevant.
À coups de genou au menton elle l’édente,
Mais il mord toujours plus dans la chair abondante.
Beaucoup de bruit, de cris, de larmes et de pleurs
Se mêlent aux échanges de ces deux querelleurs.
Au tumulte, la mère soupçonnant un scandale
Vers les deux pugilistes aussitôt dévale.
Les lèvres serrées, la cigarette pendante
Elle roule ses manches et s’avance menaçante.
Elle distribue les claques et multiplie les gnons,
Ici c’est un crâne qui écope, là un chignon.
Sous les coups battants je l’entends qui les exhorte
À ne pas l’un et l’autre agir de la sorte;
Qu’il ne sied pas très très bien entre frère et sœur
Se chamailler pour un bonbon pas bon d’ailleurs.
Et pour prouver qu’il est méchant elle l’engloutit
Faisant mille grimaces qui font peur aux petits.
La paix revenue elle retourne à ses linges
En suçotant le pas bon bonbon comme un singe.
Les faces écarlates de coups et de honte
Mes deux éclopés font maintenant le décompte.
En gens du monde ils se remettent des morceaux :
Voilà pour la grosse un peu de robe et de peau,
Pour le petit, une main pleine de cheveux.
Il lui manque une dent… ça lui en fera deux.



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dimanche 7 mars 2010


En réaction à la UNE de LA PRESSE de mardi le 2 mars 2010




Du poil à gratter


Nouvelle sensationnelle. Du poil à gratter qu’on va se passer partout dans le dos, dans le cou une bonne partie de la journée. Au bureau, au lunch, dans la rue on va tous s’indigner à qui mieux mieux avec ça.

Une nouvelle de pas grand chose pourtant. UN cas problématique sur 39000 ce n’est pas très signifiant d’un problème social. C’est même plutôt l’inverse. La grande nouvelle est que dans 38 999 cas il n’y a pas eu de problème, Bravo. Mais c’est sûr, jouée de cette façon ça devient un entrefilet dans le cahier B… on va y préférer un espace publicitaire.

Le danger, ou l’intérêt (?), c’est l’exacerbation. Qui aura ou prendra le temps de digérer cette « nouvelle », la relativiser, y réfléchir, se préparer à la commenter de façon éclairée? Ça prend sûrement quelques heures de réflexions. Un coup le café avalé avec la manchette on n’a plus le temps. On part travailler. On passera la journée (la semaine peut-être) à se gratter le cou avec ça. Comme une charpie qu’on ne prend pas le temps d’enlever. On reste ébloui par le flash, on ne distingue rien. Et c’est l’idée même de la manchette : créer un effet, une photo de tout nus, un accident spectaculaire, un choc quelconque, un bruit tonitruant dans notre quotidien. Voilà la bombe. Arrangez-vous avec ça.

Le DÉRAISONNABLE. Bon Dieu, il n’y a pas que la religion des autres pour ça. Tous les jours, dans les cours municipales, il y a des histoires pires de comportements déraisonnables de quérulents bien blancs et catholiques.

Mais là c’est pas pareil vous allez me dire, ici on parle de choc communautaire, du débat sur la laïcité des institutions, d’un problème social qui prend de l’ampleur partout dans le monde, en France notamment, des vues diamétralement opposées qui menacent les libertés, les institutions, etc.

Oui, oui, j’ai tout compris ça. Je suis au courant. On en a fait une Commission. J’ai compris l’article : ça parle d’un cas extrême, épineux, dans le flou de nos principes directeurs nécessitant l’intervention du ministre. Ça dit que rien n’est réglé, patate chaude, embarras, et patati et patata. Sujet intéressant appelant à la poursuite de la réflexion. Je suis bien d’accord, on devrait tous y réfléchir, aller à la bibliothèque et s’instruire des essais, publications, études sur le sujet, suite à cet article. Tiens, pourquoi pas aujourd’hui après l’ouvrage. On s’y donne rendez-vous ?

Pourtant, j’ai le sentiment qu’on va en rester là. Une manchette, c’est tout. Pour nous préoccuper l’esprit. Un effet pour nous camper dans une position et nous suggérer l’humeur du jour. Ça fait du bien à tout le monde, au journal et au lecteur. Pourtant avec ce qui se passe au Chili il y a de quoi remplir la première page. Et l’Haïti, c’est pas fini. Ou alors un petit retour sur nos médaillés olympiques. Ou encore tiens, une publicité L’Évènement bat son plein chez Brault et Martineau. N’importe quoi, mais le gros titre (dans mon journal préféré) d’un fait divers très marginal, même chez les musulmans, c’est du sensationnalisme mercantile. Ça m’arrache le cœur de le dire (mon journal préféré) mais c’est un peu jaune.

Je vous en prie, lecteurs, n’allez pas vous gratter au sang avec ça. Il y a aussi autre chose à débattre : Les Canadiens feront-ils les Séries ?


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dimanche 28 février 2010

JOUR DE BUANDERIE
Satire

Tableau II

C’est là un lieu public où la plèbe fourmille
Venant y laver son linge sale en famille.
Le papa, la maman, les enfants, le chien même,
Y défilent bras chargés, contents, sans problème
Dans ce fief de Germaines, la gent lavandière,
Qui, savon en main, plantées en front de bandière
Devant leur machine s’activent, frottent, détachent,
Manches retroussées, courant sus aux fortes taches.
Celle-ci, penchée sur son lot, la tête hérissée
De deux cents bigoudis aux cheveux bien vissés,
S’emploie à plier en petits paquets carrés
Des serviettes aussi laides que bigarrées
Ces deux-là lancent en l’air, comme pour couvrir un lit,
Une couverture que, bout à bout, ensuite plient.
Cette autre-ci, courbée, voilà qu’elle déboule
En poursuivant au sol une monnaie qui roule.
Tout près, sur mon banc, trois nouvelles connaissances
S’échangent toute leur vie, ce, depuis leur naissance ;
Chacune y allant de franches banalités
Sur leur pauvre sort, la dure réalité.
Elles placotent et caquettent comme des poules,
S’exhibent cicatrices, verrues et ampoules.
Mais à ma droite : autre banc, autre langage !
Deux dames, marquises de ruelles, s’engagent
À me tordre l’esprit de leurs propos aigus
En rendant les phrases pompeuses et ambigües.
Elles se cherchent en tout une certaine élégance
S’émeuvent, se pâment, se flagornent à outrance.
Le cou dressé, pinçant le bec comme deux oies
S’effleurent la main quelquefois du bout des doigts,
Initiant l’autre à un secret des plus prisés
Qui lui tire un cri ou un rire diésé.
De ce méchant portrait, vite bornons le cours
Je veux de cette scène épicer mon discours :
Deux mégères, l’œil en coin, convoitaient une sécheuse
Qui bientôt serait libre et ferait une chanceuse.
Avant même que l’autre eût fini de tout vider,
Pour prendre possession, eurent la même idée ;
Et l’on vit des vêtements voler des deux parts
Atterrir dans la cuve en guise d’étendard.
S’injuriant et voulant remporter l’avantage,
Linge après linge ainsi lancèrent tout leur lavage.
De l’engin chacune s’octroyait la conquête
Et sommait l’adversaire de battre en retraite.
Se mirant, face à face, les poings sur les hanches ;
On crut, un moment, assister à une manche.
Une gaupe intervint, mais en en appuyant une,
Se fit dire par une autre qu’elle était importune.
Une autre encore s’en mêla, puis une autre aussi,
À la fin deux clans rivaux se formèrent ainsi
Transformant cette laverie en pétaudière
Et dans un marasme la plongeant toute entière.
Pendant que la rage leur découvrait les dents
Le tenancier, homme sage mais peu prudent,
Vint au centre d’elles, comme jadis Salomon,
Refroidir les esprits de ses bouillants sermons.
« Ô pécores, dit-il (on voyait qu’il parlait bien),
Entre-t-il tant de haine en vos maternels seins ?
Puissent-ils à la fois nourrir bébés et serpents ?
Calmez vos transports, je vous prie, au plus coupant.
Il vous sied mal, femelles, ce ton disgracieux,
Pensez à vos enfants ! Cachez vous de leurs yeux.
Sur ces faibles esprits les exemples font loi.
Et ceux que vous offrez sont fort mauvais, ma foi !
Car enfin, mesdames, mes sœurs, mais pensez donc
Que dans toute bataille on ne s’arrange onc.
Même gagnant on perd gros, sauf peut-être l’orgueil
Qui de la raison trop souvent arrache l’œil.
Voyez donc dans vos luttes lavandièricides
L’impertinence fâcheuse qu’elles décident :
Pour gagner minute sur l’autre, petites gens,
Vous perdez votre temps et je perds mon argent. »
Cette brève mais cinglante admonestation
Fit l’effet d’une certaine accommodation ;
D’un commun accord, elles convinrent sur un point
L’entrer dans la cuve avec le linge à coups d’poing.
Or, voyant en quel péril il s’était conduit,
Il proposa, in extremis, un tour gratuit.
Ce qui mit fin à la querelle des féroces ;
Un séchage commun, gratuit, et sans négoce.


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dimanche 21 février 2010

JOUR DE BUANDERIE
Satire


Tableau I

Funestes cent fois ces jours où, dru dans la crasse,
De cent mille maladies tout mon linge me menace,
Et ne servant plus qu’à me couvrir d’opprobre
Me conduit en ces lieux nous venger des microbes.
Ma conscience, pourtant si aisée à distraire,
Souffre mal cette loi mais ne peut s’y soustraire.
Aussi donc une fois semaine je me hasarde
À la buanderie pour y laver mes hardes
Mais quelle porcherie ! Un véritable égout.
On y verrait des rats, s’ils n’en avaient dégoût.
Parole ! Mes amis seront là pour le dire,
Même chez moi, avant, ce ne fut jamais pire.
Car il y eut un temps, oui c’est vrai, je l’avoue,
Ce n’était pas trop propre, ni trop sain chez nous.
Quelques araignées, fourmis et autres vermines
Y trouvaient gîte, franches lippées, concubines.
Le désordre propice à tant d’écartements
Me faisait tout perdre, même un appartement.
Mais en locataire de mansarde averti
À l’austère hygiène je me suis converti.
Maintenant c’est rangé, tout est net et tout brille.
Mes chambreurs sont partis, on y trouve une aiguille !
Mais, ici, tout est noir ; on blanchit mais en vain.
Jamais on ne se lave sans salir le bain.
Pendant que les taches se mesurent aux enzymes,
Que le linge fouetté par l’eau secoue les machines,
Aux rebords du couvercle se gonfle une broue
De savon mêlé de crasse, et qui peu ou prou
Sur le plancher, lentement mais salement, glisse
En laissant sur les parois de longues coulisses.
Par terre, la lavure en rigoles serpente
Se verse dans la flaque au plus creux de la pente.
Les tuiles déteintes, rongées par l’érosion,
Se décollent par morceaux ou se fendent en lésion.
Des nuées de boucane s’étirent dans l’air humide
Où montent des vapeurs et des odeurs fétides.
Dès qu’un sac se dénoue, d’abord comme un ressort,
Avant même le linge sale le remugle en sort
Et part se conjuguer à la transpiration.
Tous verdissent dans la pièce de ces émanations.
Sauf un aveugle enrhumé se détendrait, mais
Il lui faut regretter de n’entendre jamais.
Ça jacasse, ça pète, ça pleure et ça claque.
Murs, fenêtres, machines vibrent, craquent.
Bang ! Bang ! Encore bang ! Et bang encore ! Je prie.
Je me mâche les doigts pour avorter un cri.
Une grosse, à grands fracas, obstinée et brutale,
S’enrage à mal fermer un couvercle en métal.
À tout ça, se mêlant aux sourds vrombissements,
Comme des milliers d’échos venant incessamment,
On ouï des bonn’femmes les cris, les ordres aigus,
Les jurons et les orages de coups de pied au cul.
L’enfant brutalisé autant que les engins
Au désespoir inlassablement cille et geint.
On voit des mères dans un débordement pareil
Tirer de chaque côté, un panier, une oreille.
Dans ces endroits désolants que n’ai-je pas vu ?
Que de têtes déplorables ont troublé ma vue !
Que de bruit, que d’agitations m’ont tourmenté !
Que de mères se sont plaintes et d’enfants lamentés !
Tant de remous m’agitent qu’enfin pour m’en défaire
Oyez et voyez ce tableau que j’en vais faire.


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dimanche 7 février 2010

Une nouvelle année…et une nouveauté !


En plus de cette chronique dominicale, maintenant je vous propose tous les premiers dimanches du mois une « émission radio » sur un blogue audio. Il s’agit de lectures de textes (de ce Salmigondis, essentiellement) agrémentées de chansons qu’on n’a pas l’occasion d’entendre à la radio. Les miennes, bien sûr, mais aussi celles de mes camarades. Je vous invite à aller immédiatement écouter cette première émission (février 2010) au lien suivant : http://audioblog.arteradio.com/radio-cigale/


Vous pourrez écouter l’émission tout en lisant les textes sur ce blogue. Par exemple le premier texte c’est : Végétarien ? Non, mais…, la dernière publication de l’année passée (27 décembre 2009). Les autres vous les retrouverez dans les archives.

Et tant qu’à être dans les annonces, dimanche prochain, en plus de lire, entendre, vous pourrez même voir l’énergumène qui vous parle puisqu’il sera sur scène à L’APP’ART à Trois-Rivières pour y présenter son spectacle : Où sont rendus nos dimanches ?

Voilà. Je ne peux pas m’offrir plus autrement que de vous laisser toucher mon corps. Ce qui n’arrivera pas. Y a toujours ben des limites à la vanité.


C’est assez pour les messages. La semaine prochaine on revient aux publications normales.

Re-bienvenue.

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L'APP'ART, 45 rue St-Antoine, Trois-Rivières (centre-ville). Réservation: (819) 379-6442