dimanche 4 mai 2008

Je ne peux contenir plus longtemps mon "Zorro" objecteur déplaisant.
Il attend son tour depuis janvier. Alors, voici son mot.

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Avoir et Savoir
pour paraître au lieu d’être.


La connaissance dont on s’enorgueillit tant, la connaissance, dis-je, est à la portée du plus grand nombre. Le savoir est peu de chose en soi ; c’est son utilisation intelligente qui compte. On peut bien tout savoir et ne rien comprendre. C’est même assez fréquent. Déjà un livre comme un dictionnaire en sait infiniment plus que nous et il est bien parmi les plus épais. Le jugement, la réflexion, l’intuition, ça c’est autre chose, ça tient du génie. Et le génie, lui, n’est pas à la portée du plus grand nombre.

Qu’on me comprenne bien : le savoir a tout son mérite, je dis seulement que je ne crois pas qu’on ait beaucoup de mérite à savoir. Quelconque mouton d’intelligence moyenne finira par avoir son diplôme ; la condition essentielle étant d’être bon mouton. Tout ce qu’on a étudié quiconque l’aurait étudié le saurait. Tout le temps qu’on a passé à apprendre quelque chose on l’a perdu pour apprendre autre chose. On sera donc toujours passablement ignorant.

On a intérêt à être modeste ; produire et fermer sa gueule.
Je ne sais pas si on apprend toujours à écouter les autres, mais je sais qu’on n’apprend jamais rien à parler toujours.

Mais allez donc savoir pourquoi les gens se valorisent tant de connaître et d’être reconnu de connaître. C'est bien peu de chose qu'un ébéniste soit fier de nous présenter ses outils
...et rien d'autres que des petits meubles IKEA.

ON N'EST JAMAIS SOT D'ÊTRE IGNORANT.
Alors que l’inverse…


Yes sir, pensent les ventrus commerçants pressés de fermer les livres. T’as raison, Zorro-moralo. Perte de temps. Et le temps c’est de l’argent.
Attendez, supporteurs intéressés, attendez j’ai pas terminé.

L’argent maintenant, la petite fortune dont on s’enorgueillit tant, l’argent dis-je, est à la portée du plus grand nombre. Dans un système économique comme le nôtre, c’est bien peu de chose en soi. Il suffit d’une constitution physique moyenne et, en se pilant sur le cœur (et surtout celui des autres), on finira bien, de façon droite ou croche, par en amasser pas mal. Je n’ai jamais connu personne qui avait le projet mordicus de faire de l’argent et n’en ait pas fait. Quelconque ambitieux d’intelligence moyenne finira bien par faire son tas. Son gros tas.

Mais voulez-vous bien me dire à quoi ça sert d’en avoir tant ?

Ça ne vous fera pas musicien, artiste, athlète, philosophe brillant et reconnu. Ça ne vous fera pas tomber en amour ou devenir plus jeune, plus beau, plus talentueux, plus sympathique. À quoi ça peut bien vous servir d’en avoir tant ? Je ne doute pas de l’utilité d’en avoir ; c’est nécessaire dans la vie… quoique beaucoup moins que l’amitié, le talent, le désir, le goût de vivre, mais je reconnais que ça en prend. L’argent c’est un peu comme les médicaments : c’est bien de toujours en avoir sous la main mais pour en avoir toujours autant besoin, faut être malade !

Et en plus ça crée une forte dépendance. Les riches ont de gros besoins d’argent. C’est normal, ça en prend beaucoup pour être riche. Parce qu’autrement, on peut bien vivre avec peu. On s’enrichit constamment de tous les besoins qu’on n’a pas.

La plupart des gens ont cet équilibre, je crois, de profiter de la vie dans un confort relatif. On rêve d’être millionnaire comme on rêve d’être mince et musclé (ce qui est bien à la portée du plus grand nombre). Mais ça nous passe, et on se met à être heureux sans ça.

Le bonheur ne nous en demande pas tant.


Mais, que voulez-vous, l’homme est ambitieux. Il doit réussir quelque chose dans la vie, et s’enrichir ce n’est pas trop compliqué. Sauf que le temps qu’il passe à ramasser de l’argent tous les jours, toutes les heures, toute sa vie, il ne le passe pas à d’autres valeurs humaines. À la fin, il n’a souvent rien d’autre à vous montrer que des collections d’objets et rien d’autre à vous entretenir que de ses cailloux ramassés.

JE REGRETTE DE NE PAS APPLAUDIR

J’ai envié de Lennon son talent, pas sa fortune. J’envie d’Hubert Reeves sa passion intelligente, pas son savoir. Mais pour d’autres, j’imagine c’est l’inverse. Il le faut. Par tous les raccourcis qu’ils prennent pour être savants ou riches. Mais je le répète :

JE REGRETTE DE NE PAS VOUS APPLAUDIR

On sait bien, me diront ceux que j’ai décoiffés, c’est parce que tu n’as rien, que tu dis ça. Nah !

Peut-être. J’ai été suffisamment déplaisant, si ça peut vous réconforter je vous laisse cet argument. Passons notre chemin. Je suis pressé d’aller entendre cet artiste exquis dont tout le monde parle avec tant de bonheur. Je sais, on dit de lui qu’il est pauvre et sans diplôme… mais, qui sait, peut-être trouvera-t-il la gloire que vous cherchez tant.

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