dimanche 14 février 2016


 « Parlez-moi d’amour et je vous fous mon poing sur la gueule !  Sauf le respect que je vous dois. »  G. Brassens




Dans la série des CHRONIQUES DU PLOMB SAUTÉ

 
 
 
 
 
Ne me parlez pas d’amour  

 

Surtout pas avec vos grands yeux pénétrés de vénération. En cette matière aussi, je pratique une forme d’athéisme. Cette sacro-sainte aspiration ne me paraît qu’une pulsion sexuelle bien involontaire et pratiquement incontrôlable. Vous ne voulez pas aimer, vous aimez pareil; vous voulez bien aimer, vous haïssez quand même... de façon refoulée.

De plus, et c’est bien ça qui me tarabuste, c’est une quête purement égocentrique, narcissique, égoïste, travestie, bien sûr, comme une pute en bonne sœur. Bref, pour moi, c’est caca, pas loin du délire, de l’obsession, du désordre mental, émotionnel, dangereux. Surtout pour l’autre. Au bout de l’amour, c’est la haine. C’est la même charge fanatique. Ça supporte mal la contrariété. Tenez-vous à distance de ceux qui en cultivent à l’excès.  Fuyez-les comme certains assassins.  

« Mais si je t’aime, prends garde à toi » Carmen, de Bizet.

Pouvez-vous imaginer aimer quelqu’un et le laisser sortir de votre vie.  Non, on l’aimmmme. On veut le garder au cœur de sa vie. On s’y accroche, on s’y attache, on le tient serré. « T’es mon amour », ça veut dire t’es à moi. Dans cette phrase « Je t’aime », je ne vois pas le beau sentiment. C’est le « Je » qui trahit tout de l’altruisme. C’est le « t’» qui me fait peur; comme dans « tue » : Tu m’aimes-tue? Le grand Amour est à deux doigts de la haine.  

Ne me parlez pas d’amour.

Mais parlez-moi de beauté, de poésie, de tolérance, de chaleur humaine, d’affection, tous ces beaux sentiments où votre « je » n’arrive pas en premier. Le bel élan altruiste je le vois plus dans la recherche de l’harmonie, la paix, l’ouverture à l’autre. Voilà ce que je conviendrais de célébrer davantage.

Mais l’amour, l’amour, l’Amour, bon Dieu! ce n’est rien d’autre qu’une envie de se mettre… important aux yeux de l’autre. Vos grands débordements me troublent.  Un esprit comme le mien y voit tout de suite une érection gênante, intempestive, qui réclame davantage un élan du poignet qu’un élan du cœur. J’en ai-tu aimé moi des filles sur papier glacé, que d’intensité dans mon amour, que d’ardeur dans mes élans.  Je n’avais d’yeux que pour elles, mon plus grand intérêt, ma promise, mon… ma… ahhhh!  Et puis, je redevenais soudain paisible et laissais enfin libre l’objet de mon amour. Je dis que l’Amour qu’on ressent pour l’autre c’est la même branlette de son amour-propre.

Ne me parlez pas d’amour. Mais vous pouvez me parler d’amitié par contre.  Beaucoup d’amitié.

 

Bonne St-Valentin, quand même!
Aux amoureux égoïstes qui s’aiment si tendrement.

 

 

 




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