dimanche 6 avril 2008

C'est reparti !
Première publication 2008.
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Ennemis en vue



- Les ennemis !
- Où ça?
- Partout.
- Qui ça?
- Les autres-là. Tire! Tire!
- Mais pourquoi?
- Mais parce que ce sont des ennemis.
- On ne les connaît même pas.
- On s’en fout, ce sont des ennemis. Ils sont dangereux, faut se défendre. Allez, tire.
- Mais qu’est-ce qu’on fait dans leur pays ?
- Ben voyons! On défend la Paix, la Justice, la Liberté. On est en mission humanitaire. Envoye tire !
- J’comprends pas.
- T’as pas à comprendre. T’es un soldat, tu tires quand on te le dit, et t’arrêtes quand on te le dit. Les ennemis c’est toujours des méchants, c’est... c’est... des jaloux... c’est..., le mot le dit : Ennemi. Bon, envoye, tire !
- Pourquoi ils nous en veulent?
- Parce qu’ils n’en ont pas, imbécile ! D’ailleurs, ils n’ont rien, eux autres. Ces des primates, c’est... j’sais pas ce que c’est... des envieux. Des fous. Des méchants. Des voleurs. Des bandits. Ils veulent nous prendre ce qui est à nous. Et ce qui est à nous est à nous. On a le droit, on était là avant eux. Ou, heu..., en tout cas on l’a pris, avant.
- Mais, mon colonel, êtes-vous bien sûr qu’ils n’y ont pas droit ?
- C’est quoi ton problème? Es-tu de leur côté? Ils sont ennemis à l’État. Tu dois défendre ton pays. Allez, tire, et cesse de poser des questions.
- D’accord, mon colonel. Mais je crois qu’avec les armes qu’on a, on va faire pas mal de dommage…
- Oh oui. Ils vont en manger une maudite.
- Il va y avoir des morts parmi les civils, mon colonel : des femmes et des enfants.
- Dommages collatéraux.
- Il y a des hôpitaux dans le coin, il va y avoir des bavures.
- Dommages collatéraux.
- On risque d’atteindre nos alliés qui sont tout près.
- Dommages collatéraux.
- Il va y avoir des dommages collatéraux, mon colonel.
- Dom... euh…Ah, puis à la guerre comme à la guerre. La fin justifie les moyens. Qui n’ose rien, n’a rien. À bon chat, bon rat Quoi? Bon, de toute façon, on va la gagner cette foutue guerre. Penses-tu que nos dirigeants c’est des cons !
- …
- Attention à ce que tu vas dire. C’est le peuple qui les a élus. C’est pas tous des cons, le peuple. Ils ont élu démocratiquement un candidat que les grandes corporations leur ont présenté. On est un pays libre, NOUS.
- Je ne dis pas ça mon colonel. Je dis juste qu’on était en pays ami ici, il n’y a pas si longtemps. On leur vendait des armes. Nos dirigeants faisaient des affaires avec eux.
- Ouais! Mais les affaires ont foiré. Il y a des têtes fortes qui s’en sont mêlé, pis là ils ne veulent plus rien entendre. Alors, c’est là que nous on intervient. Pour leur mettre un peu de plomb dans tête.
- Et on s’attaque à tout le monde plutôt qu’à ces quelques têtes fortes ?
- C’est comme ça. C’est la guerre. Ils veulent se défendre ? Eh, bien on va les attaquer ! Crois-moi, ils vont finir par comprendre. On va la gagner cette guerre. Et après ce sera fini, on rentre chez nous.
- Vous croyez mon colonel ?
- Bien sûr, puisqu’on aura gagné.
- Mais on va laisser des jeunes frères, des veuves, des orphelins,…
- Que veux-tu insinuer… ? Qu’il faudrait tous les exterminer … ? Hé! C’est un peu radical, mon jeune.
- Non, je veux dire, qu’au lieu que ce soit quelques têtes fortes qui nous en veulent, maintenant ce sera tout un peuple. Avant ils s’en foutaient de nous. Mais là ils auront de la haine et des vengeances à transmettre à leur descendance. Des raisons viscérales de nous en vouloir. Et ça reprendra.
- Ouais… Les exterminer tous… Pas fou, ça.
- Mon colonel …
- Ça suffit! Assez parlé. On tire.
- Mon colonel …
- Ta gueule, j’ai dit. Tire. Feu à volonté ! Tiens! Tiens! Ha! Ha! Ha! Regarde-les tous tombés, ces pourris !
- Mon colonel, on a reçu une dépêche de l’état-major. Ne tirez plus. Il y a eu entente. Les affaires ont repris. Ne tirez plus. Ils sont avec nous. Ne tirez plus, mon colonel.




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