dimanche 30 mai 2010

Futilité (Paroles et musique : Serge Timmons)


Futilité, futilité.
Partout où je regarde, ici, ailleurs
Futilité et fausses douceurs
L’insignifiance nous assaille
Dès le premier regard
Et nous tient en tenailles
Toujours avides, toujours hagards
Toujours l’inassouvi, toujours la redemande
Toujours la main tendue entre le coffre et la commande

Que tout fonctionne, ça tient du miracle
Que tout ça tienne, ça tient du mystère
À genoux dans la cour des miracles
À genoux à prier, à se taire, à crier aux loups, aux loups…

Frivolité, frivolité.
Partout où je regarde, ici, ailleurs
Frivolité et fausses douceurs
Partout de clinquants coquillages
Mais sans jamais perle dedans
Dessous le maquillage
Que des grimaces de mal aux dents
Des cœurs mal aimés en quête de vertige
Que décor et des corps livrés à la lubricité

Que de beautés tristement fugitives
Que de beautés si laides à regarder
En parade, inconscientes, festives
Mardi gras, carnaval, bal masqué, sous le loup, des loups, des loups…

Que tout fonctionne, ça tient du miracle
Que tout ça tienne, ça tient du mystère
En même temps, tout rit et tout pleure
En mêm’temps c’est la guerre qui se fait dans les fleurs et des loups, des loups …


Copyright © 2009 S. Timmons

dimanche 23 mai 2010

Dialogue de fous


Lors de mes promenades il m’arrive souvent d’arrêter au parc, m’assoir sur un banc, et m’installer comme au cinéma, pop corn et boisson en main, m’abandonnant à la présentation. Écran géant sur 360o. Imax au max. Les couleurs, le son, les acteurs… on s’y croirait. Les petits bateaux sur l’eau, les enfants en vélo qui circulent dans le lot des messieurs et des mesdames sur le pont, tout en rond, … c’est la vie. La grande représentation.

Depuis quelques temps je remarque ces deux personnages détonnant dans le décor, bizarres, naïfs, semblant débarquer tout droit d’une étoile en dérive. Un grand maigre et un petit gros. Genre Laurel et Hardie. Ils n’ont pas d’âge. Semblent sans visage. Une apparition sur un banc. Ils jasent. Le plus grand me paraît le plus mystérieux. Il semble flotter au-dessus des choses, éthéré mal étriqué, je l’appelle le Grand A. L’autre, le plus vraisemblable, plus petit, rond, potiron, c’est le questionneux, l’indécis, me fait penser à un petit b, comme dans une sous-question.

Ma présence sur le banc voisin ne semble pas les déranger dans leurs élucubrations. Alors j’en profite pour tendre un peu l’oreille. C’est étonnant tout ce que je peux entendre. Ça ne parle pas hockey, je vous jure. Ni politique. Ni REER, ni maladie. Ni des as-tu-vu-ça. Ni des ça-s’peux-tu.
Ni des femmes, ni des jeunes. Ni de la pluie ou du beau temps. Ni de ci ou de ça. Ni de veau, vache, porc. Ni de poule. Ni des nids-de-poule. Ni de tout, ni de rien. Ni de tout ce que vous voudrez… ni de laissez-moi parler, je vais le dire mais laissez-moi parler, vous ne trouverez pas, je vous le donne en mille… Ils ne parlent de rien. Rien. Que philosophie. Voilà. Philosophie. C’est très étonnant.

Tiens, je vous fais rapport de leurs dernières discussions. Enfin, ce que j’ai pu en comprendre.

Petit b - En quoi crois-tu ?

Grand A - En rien

b - Pourquoi on vit alors ?

A - J’ne sais pas. Pourquoi on meurt ?

b - C’est l’usure des choses, j’imagine. Un cycle dans la vie qui se termine.

A - Pourquoi un cycle ?

b - Pour que les choses évoluent, sans doute.

A - Pourquoi les choses doivent-elles évoluer ?

b - Parce que c’est ainsi. C’est la vie.

A - Alors ma réponse vaut la tienne. Pourquoi on vit ? Parce que c’est ainsi. Ce n’est pas plus important d’y trouver un sens. Au pourquoi la vie, faut aussi questionner pourquoi la mort ?

b - Mais ça ne t’intrigues pas la vie ? Toute cette existence, pour un philosophe comme toi ?

A - Oui, bien sûr. C’est un grand mystère. Mais je ne crois en rien. Je ne crois pas qu’il y ait une Intention derrière tout ça. On en veut une parce que notre esprit est ainsi fait. C’est dans notre habitude. Comme on voit une limite aux choses alors qu’il n’y en n’a probablement pas. On définit par concept. Ce sont des repères. On fait des choses par intention. On les crée. On en voit le début et la fin. Alors je crois qu’on transpose à l’Univers, notre univers. On voit l’effet, on comprend la cause. Mais comprendre la cause n’explique pas le sens ou le but. On accepte l’idée de l’Éternité ou de l’Infini, mais personne n’en a vraiment idée. On peut virer fou à vouloir bien se l’imaginer, bien se l’intégrer, bien s’accaparer le concept. Ce n’est pas pour nous. Nous sommes limités, concevons avec des limites. Sinon on étouffe, on est perdu. On vire fou. Accepter qu’il n’y ait pas d’Intention, c’est comme accepter qu’il n’y ait pas de limite, temps ou espace. Mais ça fait trop peur à la Morale et surtout à la Société. Ça nous touche de plus près, ça nous interpelle, c’est trop désemparant. Alors on se fait des représentations, on voit les choses avec des limites et des raisons. Et on croit que c’est dans l’ordre des choses. Que c’est Universel.

b - Ben, voyons donc. Tiens, ce banc où nous sommes assis est bien défini, bien délimité.

A - C’est un assemblage ponctuel d’objet. C’était toutes sortes de choses avant. Ce sera toutes sortes de choses après. Dans l’instant précis on définit ça comme un banc, mais dans l’univers, dans la continuité du temps ce n’est qu’un amas de choses temporairement réunis, qui n’a pas plus de sens, ainsi. Utile et voulu par nous, oui, mais pour l’araignée, c’est un amas, un lieu propice à y tisser une toile, c’est tout. Ce banc est une extension à l’arbre, aux pierres, à l’entourage, un accident du relief. Comme une roche parmi les roches. Isolable et fondue dans l’ensemble.

b - Que les choses aient une « existence » différente selon la perception de chacun, elles existent quand même, et sont définies par le fait même. C’est par l’esprit qu’on distingue… et naît la conception de l’univers.

A - Je ne doute pas que ça existe. Mais je ne crois pas à l’Intention. Je ne crois en rien. Croire, suppose l’élaboration d’une théorie, un scénario, du plus loufoque au plus raisonnable, MAIS jamais unique, véritable et vérifiable. Croire à se tromper assurément n’est pas plus valable, selon moi, que de ne croire en rien. C’est tout ce que je dis. Ça satisfait sans doute un malaise, en empêche plusieurs de sombrer dans la démence, ça permet sans doute à certains de s’accrocher à quelque chose pour ne pas être en chute libre, mais comme c’est assurément faux, ASSURÉMENT FAUX pour l’une ou l’autre croyance j’en conclus que c’est l’illusion qui est importante. Une ILLUSION, et ça fonctionne. Du moment qu’on y croit.

b - Mais toi, croyant en rien, comment fais-tu pour fonctionner?

A - Je me persuade de ne croire en rien.

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Je ne sais pas si j’ai bien rendu le dialogue auquel j’ai assisté, mais c’est à peu près ça. Avant d’avoir mal à la tête, je suis allé m’acheter un cornet de crème glacée. Froide. Froide à m’en barrer le front.


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dimanche 16 mai 2010

Mon cœur s’est tu



Mon cœur ne parle plus
Il s’est tu

Je voudrais parler mais le cœur n’y est plus
Il est en douleur Et il s’est tu
Alors rien ne va plus

Que reste-t-il ainsi de moi
Pantin aux fils rompus
Pantin qui ne joue plus
Que reste-t-il ainsi de moi

Qu’un vague animal
Qu’une viande perdue
Même les loups ne me désirent plus
Ils voient bien que je n’ai rien à défendre
Rien d’une âme tendre
Rien d’un cœur déjà mordu
Mon cœur qui ne parle plus
Qui s’est tu
Tu.


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dimanche 2 mai 2010

À L'OUVRAGE suite et fin


Fin août

C’est demain, vendredi, que Pierre doit s’affranchir. À vingt-trois ans il partira enfin de chez lui pour faire sa vie d’adulte, vivre en appartement. Son père, un ivrogne consommé, un despote de la pire espèce, ne pourra rien devant la décision ferme et réfléchie de son fils qui a besoin de tout son argent pour faire sa vie.

- Hein Pierre, que tu déménages demain ?

- Ah, oui. Ah, oui. Cé…cé t’à moé c’t’argent-là. J’mas faire ce que j’veux avec.

- À soir, quand ton père va te demander d’l’argent, tu vas y dire que tu y donnes rien que trente piastres et pi que tu t’en vas demain. Hein, Pierre ?

- Ouin, çartain ! Cé çartain. Rien que trente piass le père, que j’m’as y dire. Rien que trente piass, pas une cenne de plus.

- Bon, ben tu vois ben qu’y va l’faire, dis-je à Montpetit.

- Pi tu le croé, toé ? me dit-il. Sacrament ! Y’é ben trop chieux pour le faire, voyons donc ! Ça fa plus qu’un an qui nous dit ça à toué mois, pi y fa jama rien.

- C’est-tu vrai Pierre ? dis-je.

- Cé… cé…. cccé…. vra, mais à soir ça… ça… va changer. Çartain, me dit-il, en regardant Montpetit.

- Dis-y, Ouellette, comment ton père te traite, tabarnak, lui cria Montpetit. Dis-y donc, comment qui te laisse d’argent par semaine su ta paye.

- Heueuueuu ! rien que douze piass, le maudit. Heuueuuueu !

- Comment? dis-je, étonné. Quoi ? C’est une farce. Douze piastres ?

- Ben oui ! douze piass, confirma Montpetit. Pi en plus avec ça faut qu’y s’achète ses tickets d’autobus. Y di reste sept piastres, stie! Comme un ti-gars d’école. Pi son père, lui, y collecte cent vingt, le porc !

- C’est pour lui mettre à banque, peut-être… risquai-je alors.

- Saint-Ciboire ! Sois pas aussi naïf que lui, me dit Montpetit. Son père c’est un ivrogne, y a pas une crisse de cenne, y a boé toute, ostie. Pi c’te grand baba-là, pointant Pierre, y attend dans l’char comme un p’tit chien que son père ait fini de boire sa paye. Au moins si y a buva avec son gars, l’sans cœur, mais non, y di défend même de mettre les pieds d’une taverne.

- Cé tu vra ça Pierre? dis-je, surpris.

- Heuueuueeuu… cé…. cé…..heuueuue…cé vra, me dit Ouellette en riant nerveusement. Même dé…ddddé…dé…fois cccé….ccé …cé moé qui
chauffe son…so..son…char pppppparpppppaarparce qui é trop saoul pour
conduire. Heuueuuue….

- Ah, ben c’est rare ! SA…CRA…MENT ! dis-je révolté à Montpetit qui acquiesça. Ça m’dépasse… Pierre, à soir, tu y donnes pas ta paye, hein ? Que cé qu’t’attends pour t’en aller de chez-vous, christ de fou !

- Y attends d’avoir d’l’argent. Comme si y pouva s’ramasser d’l’argent avec juste une couple de piass par semaine, dit Montpetit. Ça fa plusieurs fois que j’y dis que j’suis prêt à y payer son premier mois, pi y passer d’l’argent. Léo, aussi. Jacques, aussi. Tout l’monde icitte on est prêt à l’aider, pi y fa rien l’maudit sans dessein.

- Pierre, es-tu ben décidé de sacrer ton camp? Tu viendras vivre chez-nous en attendant de te trouver quelque chose, dis-je voulant à mon tour faire ma part.

- Hehhheeeuu, oui, çartain, heuueuuue….



Le lendemain je m’attendais réellement à partir avec Montpetit chercher les affaires de Pierre et l’emménager chez moi. Mais quand je le vis, le matin, rire comme un idiot, les épaules plus courbées qu’à l’habitude, je n’y croyais plus. Quand Montpetit arriva, il l’interrogea.

- Pi, Ouellette? Montre-moé donc l’argent qu’ t’as empêché ton père de t’voler ? dit-il en le narguant.

- Heuueuueheueu… Heueueueu… J’y…j’y... j’y ai dododoonndonné, mais poupoupour la dddddddernière fois. Heuuuueuueehhheeuuu…


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Fin d’été

Tout le personnel régulier revenu de leurs vacances, je fus libéré. Plusieurs de mes amis arrivaient de voyage, ils avaient tous quelque chose à raconter. Ils avaient vu le monde. Moi, je n’avais évidemment rien vu. Pourtant j’avais l’impression de le découvrir.




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