dimanche 9 décembre 2007

Le petit mot de la semaine

Dans la vie tout n’est que chance.
Notre seul mérite c’est d’éviter les malheurs...
Si on est chanceux !

Ce que la vie est tenace !


À Annie Roy, (de l’ATSA),
cette femme qui me réconcilie avec l’Homme.



Je suis lâche.
Comme tous ceux qui restent dans le rang; ceux-là mêmes qui voient les itinérants comme des lâches. (Mais qui oserait l’être deux semaines?) Je reste dans le rang. Trop lâche pour être itinérant. Je n’ai pas cette grandeur. Je ne connais pas de grand malheur. Je suis dompté, dressé, cassé, rompu au confort et à la peur. Je ne serai pas cet homme libre, sûrement blessé, dysfonctionnel, abandonné : un loser, comme vous dîtes. Mais un homme sans compromis. Libre, de gré ou de force.

Regardez-les passer eux ce sont des sauvages
Ils vont où leur désir le veut, par dessus monts
Et bois et mer et vent et loin des esclavages
L’air qu’ils boivent ferait éclater vos poumons*

Un loser… ça ne peut être qu’un homme. Un winner? Je ne sais pas. Peut-être un loup, un robot, une machine… L’itinérance : un rejet de société des deux parts, et l’appel à la plus grande humanité. Forcément ça nous dérange.

Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux.*

Bêtes sauvages, effarouchées, traquées dans la ville, se nourrissant de dons et de mépris, ramassés ça et là, vivant malgré tout, avec rien. Rien, qu’eux-mêmes à temps plein.
Ils font peur. Ils appellent à la conscience.
Sont laids, puants, souvent drogués.
Tout ce que nous luttons et craignons d’être.
Sont fous, fiers, indépendants.
Tout ce que nous souhaitons et craignons d’être.

Il n’y a pas beaucoup de gens heureux qui croisent ces itinérants. Encore moins parmi ceux qui les toisent, et probablement aucun parmi ceux-là qui les sermonnent. « Fais comme nous, va travailler, bêêêêêêêhhh ! », leur crient les moutons gras dont on a tondu la laine.

Donnez-lui un amour, un sens à sa vie et il ira travailler -qu’est-ce que vous croyez – mais il sera plus heureux que vous, ou alors il retournera dans la rue.

Il est sans compromis. C’est un homme de cœur, malheureux mais libre. Ce que vous appelez un loser. Bêêêêêêêhhhh !


* Jean Richepin, Les oiseaux de passage