Pour l’égalité hommes-femmes,
contre la Charte, ça se peut...
Qu’avons-nous
tant à parler d’égalité hommes-femmes, tout à coup? Que se passe-t-il? Quelle
est cette soudaine menace dont on ne se méfiait pas il y a à peine deux mois?
Cette mention « superflue » dans la présentation de la Charte m’a
paru dès le départ comme une astuce pour nous la vendre, le miel (par ce
consensus facile) pour faire passer la pilule amère. Arrêtons de discuter du
goût de la chose et parlons de ses effets.
La mal nommée
Charte des valeurs québécoises –
d’abord « valeurs », terme plus religieux que laïc, puis
« québécoises », alors que rien ne la différencie du reste de
l’Occident – aurait pu tout simplement s’appeler Charte de la laïcité de l’État, mais ça faisait un peu éteignoir. Rien
pour exciter la fibre identitaire, le but recherché ultimement.
Dans sa
présentation concernant le fameux article, le ministre Drainville, dans une
infinie précaution, expliquait qu’il ne s’agit là que de suspendre — pendant
les heures d’ouvrage, pour la fonction publique, mais pas partout, dans
certains services, mais pas nécessairement tout de suite… — le droit
d’expression, quand trop ostentatoires, des opinions personnelles de toutes
sortes des employés de l’État. Une sorte de politique interne somme toute. Un
code vestimentaire, finalement. Pour le reste il exhortait les Québécois à
s’afficher et se respecter.
Car, on s’entend, que même si le projet de loi est
adopté, bien reçu, bien appliqué, il y aura encore (et peut-être plus, par
effet de rebondissement) de femmes voilées dans des émissions de télé, dans les
rues, les parcs, le métro; on côtoiera toujours des religieux ostentatoires de cultures multiples, MAIS on n’en verra
pas, c’est vrai, à la photocopieuse d’un département administratif dans un
quelconque édifice gouvernemental durant les heures de travail.
À l’ostentatoire on propose la tartuferie :
« cachez ce sein que je ne saurais voir ». Pour ceux et celles qui
attendaient de cette charte une victoire sur l’invasion intégriste, ça fait un
peu prix coco.
Je suis
antireligieux, foncièrement égalitaire hommes-femmes. Je suis, moi aussi,
fortement dérangé par tous les artifices, déguisements, manifestations
ostentatoires de toutes appartenances, incluant les drapeaux, mais c’est mon
problème à moi. Je me dois de réfléchir, de m’exercer au respect. Je me dois de
relativiser les choses : reconnaître, par exemple, que la très grande
majorité des immigrants réalisent assez vite les « valeurs
québécoises », constatent d’emblée que les femmes ici sont tellement
égalitaires qu’elles sont parfois Premières Ministres. Seules quelques factions
extrémistes et inquiètes de chaque côté, musulmanes comme catholiques,
nouvellement arrivantes ou de souche, formeront la minorité bruyante pour
alimenter nos premières pages. Il n’existe pas d’accommodements raisonnables
aux incommodants déraisonnables.
Bien que mon penchant naturel, « ma vraie équipe »,
soit du côté réel et caché de cet article de la Charte, c’est dans la douleur,
mais la conscience, que je m’inscris en faux. Le vivre-ensemble ne passera pas
par un projet de loi, mais un projet de société construit sur le respect des
différences. Aux « janettes », je rappelle bien respectueusement que la
liberté d’expression aussi a été un rude combat qu’il faut toujours poursuivre.
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