dimanche 20 octobre 2013


Pour l’égalité hommes-femmes, contre la Charte, ça se peut...



   Qu’avons-nous tant à parler d’égalité hommes-femmes, tout à coup? Que se passe-t-il? Quelle est cette soudaine menace dont on ne se méfiait pas il y a à peine deux mois? Cette mention « superflue » dans la présentation de la Charte m’a paru dès le départ comme une astuce pour nous la vendre, le miel (par ce consensus facile) pour faire passer la pilule amère. Arrêtons de discuter du goût de la chose et parlons de ses effets.

   La mal nommée Charte des valeurs québécoises – d’abord « valeurs », terme plus religieux que laïc, puis « québécoises », alors que rien ne la différencie du reste de l’Occident – aurait pu tout simplement s’appeler Charte de la laïcité de l’État, mais ça faisait un peu éteignoir. Rien pour exciter la fibre identitaire, le but recherché ultimement. 

   Dans sa présentation concernant le fameux article, le ministre Drainville, dans une infinie précaution, expliquait qu’il ne s’agit là que de suspendre — pendant les heures d’ouvrage, pour la fonction publique, mais pas partout, dans certains services, mais pas nécessairement tout de suite… — le droit d’expression, quand trop ostentatoires, des opinions personnelles de toutes sortes des employés de l’État. Une sorte de politique interne somme toute. Un code vestimentaire, finalement. Pour le reste il exhortait les Québécois à s’afficher et se respecter.

   Car, on s’entend, que même si le projet de loi est adopté, bien reçu, bien appliqué, il y aura encore (et peut-être plus, par effet de rebondissement) de femmes voilées dans des émissions de télé, dans les rues, les parcs, le métro; on côtoiera toujours des religieux ostentatoires de cultures multiples, MAIS on n’en verra pas, c’est vrai, à la photocopieuse d’un département administratif dans un quelconque édifice gouvernemental durant les heures de travail.  
 
   À l’ostentatoire on propose la tartuferie : « cachez ce sein que je ne saurais voir ». Pour ceux et celles qui attendaient de cette charte une victoire sur l’invasion intégriste, ça fait un peu prix coco. 

 
   Je suis antireligieux, foncièrement égalitaire hommes-femmes. Je suis, moi aussi, fortement dérangé par tous les artifices, déguisements, manifestations ostentatoires de toutes appartenances, incluant les drapeaux, mais c’est mon problème à moi. Je me dois de réfléchir, de m’exercer au respect. Je me dois de relativiser les choses : reconnaître, par exemple, que la très grande majorité des immigrants réalisent assez vite les « valeurs québécoises », constatent d’emblée que les femmes ici sont tellement égalitaires qu’elles sont parfois Premières Ministres. Seules quelques factions extrémistes et inquiètes de chaque côté, musulmanes comme catholiques, nouvellement arrivantes ou de souche, formeront la minorité bruyante pour alimenter nos premières pages. Il n’existe pas d’accommodements raisonnables aux incommodants déraisonnables.   

   Bien que mon penchant naturel, « ma vraie équipe », soit du côté réel et caché de cet article de la Charte, c’est dans la douleur, mais la conscience, que je m’inscris en faux. Le vivre-ensemble ne passera pas par un projet de loi, mais un projet de société construit sur le respect des différences. Aux « janettes », je rappelle bien respectueusement que la liberté d’expression aussi a été un rude combat qu’il faut toujours poursuivre.

 

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