Il ne
manquait plus que ça! Voleur de bonbons, mais voleur quand même. L’essai, pourtant était bien, mais…
comment dire? Pas de conviction. Le pire
c’est que je le savais dès le début, dès que j’ai descendu l’escalier menant au
petit dépanneur que tenait notre voisine, Mme Dionne, je savais que ce
n’était pas bien, que je me ferais prendre, que ça irait mal, que je n’en
profiterais pas.
Les dimanches avant-midi son
commerce était fermé. Or, un de ces matins-là justement nous étions en train de
jouer dans la chambre de la petite voisine, au deuxième étage de la maison des
Dionne quand j’ai remarqué au bout du corridor une porte qui donnait
probablement sur l’autre partie de la maison, celle du magasin. Alors profitant
de leur inattention, je disparus furtivement pour m’engager dans cet antre sombre aux stores fermés, rempli de
trésors. Le cœur me débattait, j’étais fébrile, tout excité, je me sentais comme
un…, comment un enfant dans un magasin de bonbons! Sur la pointe des pieds (évidemment,
sur la pointe des mains j’aurais déboulé), j’ai descendu et je suis passé de
l’autre côté du miroir, le côté magique, celui qui donne accès à toutes ces
choses magnifiques. La corne d’abondance, là sous mes yeux, à portée de main.
Un voleur, je
veux dire un vrai, un pro, ne prendrait pas la peine de choisir comme quand on
a trois sous et qu’on cherche en avoir le plus pour son argent, moi, l’épais,
je magasinais, prenais un temps fou à me décider. Je m’étais sorti un petit sac
brun, et j’attendais que le client se décide. Idiot.
Quand
soudainement j’ai entendu la porte du haut s’ouvrir, j’ai bien senti la fin du
rêve. Vite, je m’en suis mis trois dans les poches, un dans la gueule. Les
pires. Ceux que je n’aurais jamais choisis. Une des grandes filles de madame Dionne
est arrivée comme la police fait Haut les
mains!
— Qu’est-ce que tu fais là ?
Dans ma tête
je cherchais désespérément une explication, je m’en voulais de ne pas en avoir
préparé une. Un manque
d’expérience. Je me rappelle seulement lui avoir dit : « tu ne le diras pas
à mon père ? » Je me souviens qu’elle
a dit non et qu’elle n’a pas tenu parole. Il y a comme ça des gens sans
scrupules! Mon père l’a su, et vite à part ça.
Sycophante !
J’ai eu droit
à la remontrance. Oh, pas la grosse affaire.
Pas le grand déshonneur. La simple
remontrance. Je crois qu’il savait qu’il
s’adressait plus à un idiot qu’à un voleur. En tout cas, moi je le savais.
Mais idiot
? Pas tant que ça. Je l’ai dit, tantôt, j’avais peut-être cinq
ans, mais je savais exactement ce que je faisais. J’ai fait exprès pour me comporter comme un
enfant de trois ans. J’en aurais eu
vingt-cinq que j’aurais joué à me faire passer pour un enfant qui commet un
geste mignon plutôt qu’un vol. Un alibi d’innocent, si vous voulez. Je ne
pouvais juste pas passer à côté d’une telle occasion. C’était comme irrésistible, un fantasme à
assouvir. Plus tard je ne pourrai plus jamais
faire ça. Enfin, je crois…
Bon. Voilà.
On oublie ça. Pas voyou, pas brutal,
pas fugueur, pas voleur. Que laid et
épais. Pour l’instant.
***
DERNIÈRE PUBLICATION.
DE RETOUR EN SEPTEMBRE