dimanche 27 décembre 2009

Dernier dimanche de 2009. Je vous laisse sur mon dernier tourment de l’année.
Prochaine publication en février 2010.


Végétarien ? Non, mais...


Végétarien ? Non. Mais ça me tente. Ah oui, amis végétariens, je ne suis pas loin de penser comme vous; on n’est pas des primitifs, des brutes, on respecte la bête. Pauvres animaux. Pas question de manger de viande, m’a dit Chose, sauf le poisson. Comment, sauf le poisson ? Paraît que ce n’est pas un animal comme un autre : ça ne vit pas dans le même environnement que nous, c’a pas de pattes, pas d’oreilles, pas de poil, ça vit dans le fond de l’eau, c’est presque des martiens.

Non, non, moi, monsieur, ce sera la totale. Pas de poisson, non plus. J’en ai vu mourir dans ma chaloupe, et ça m’a semblé une agonie d’un être bien vivant, possiblement un membre d’une famille maintenant en deuil. Non, non, pas de poisson non plus. Que des légumes. De délicieux brocolis servis en sauce aux épinards sur une chicorée de patente à gosses. Miam ! Miam ! Végétarien ? Ça me tente. Mais je n’aime pas les légumes. Alors ce sera les céréales. Le matin, le midi, le soir. Je ne serai plus un prédateur, allez-en paix jolis animaux.

Des vaches, c’est végétariens ça? Oui. Des renards, non. Le beau chaton non plus. Merde. La moitié de la planète est en danger. La moitié de la planète est carnivore. Qu’est-ce qu’on fait ?

Tant pis, j’agirai selon ma conscience. Ils se boufferont entre eux, moi je ne participe pas. Tout ce temps, j’aurai élevé ce beau canard, et c’est le loup, le renard, le lièvre (!) ,qui le mangera en magret, en confit, en torchon, ou poêlé sauce porto ? Non, non, non, non, ça n’a pas de bons sens ça. J’ai un Sauternes millésimé sous la main, pas question d’ouvrir ça avec une salade aux patates.

Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que je fais ? Déjà, je suis conscient, déjà que j’ai l’intention, c’est déjà bon, non ? Je me rapproche, je me rapproche. Je n’ai peut-être pas à me convertir tout d’un coup. On peut y aller graduellement. Je peux commencer par éliminer le cheval, le castor, le bison, l’anguille, l’escargot. Je peux me choisir des jours maigres, les vendredis par exemple. Je peux limiter mes portions. Fini, les hamburgers doubles.

Je peux jouer les croyants, ces gens qui ne doutent pas de l’existence de Dieu, mais ne s’en embarrassent à peu près jamais dans leur vie. Adapter le concept selon les circonstances, c’est ça le truc. Genre : TU NE TUERAS POINT sauf quand c’est un assassin, quand c’est la guerre, quand c’est pour te défendre... Alors pourquoi pas moi : JE NE MANGERAI POINT DE VIANDE, sauf si elle est sur la table, dans la tourtière de ma tante ou en spécial à l’épicerie. Le mal est fait, pourquoi s’en interdire ? Même qu’il me paraîtrait peut-être plus respectueux pour la bête de la manger (toute en prière) plutôt que de la laisser en charogne.

En tout cas, c’est presqu’en cachette que je serai végétarien. Le contraire, je pense, de certains. Je n’en ferai pas une religion, ni la morale aux autres. J’en entendais un, l’autre jour, chercher à nous culpabiliser en suggérant de préciser sur les menus : Steak de bœuf MORT, darnes de saumon MORT, cuisse de poulet MORT… Mort ! J’espère bien, mon vieux, on est carnivore, pas des barbares. Et ta laitue ? Elle pousse encore quand tu la manges ?

Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que je fais ? Pauvres animaux, pauvre de moi. Ou alors, et c’est mon idée ultime, je me fais éleveur. Je me lie d’amitié avec mes volailles. Des petits cannetons que je fais courir dans ma cour; les appelle à tour de rôle pour qu’ils viennent se gaver un peu, je les flatte tout en leur racontant l’histoire du petit vilain canard. Je les protège des prédateurs leur vie durant. Je les nomme dès leur naissance, les divertis et les engraisse. À la fin de leur vie, je les bénis, les pleure un peu et les enterre dans la marmite. Qu’y aurait-il de mal, là-dedans ? Je ne les tue pas… mais un accident est si vite arrivé. Surtout quand on est un peu gras et qu’on s’aventure vers la coutellerie. Enfin, je vais penser à tout ça.


Et la dinde dans le frigo que mon insouciante chérie a achetée ? Eh bien, on la mange. Qu’elle ne soit pas morte pour rien, voilà c’est ma prière. On passe les Fêtes et après je prends des résolutions. Végétarien? Non, pas encore, mais ça me tente. Peut-être l’an prochain…


Bonne Année !

Et paix sur la terre aux animaux de bonne volonté !

















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dimanche 20 décembre 2009

Noël de mon enfance, ou rien.


Tout évolue. C’est normal, on améliore nos conditions de travail et de vie. On développe de nouvelles technologies et on s’y adapte. À ce point que, parfois, on ne sait plus trop lequel est au service de l’autre. Nos mœurs naturellement suivent cette évolution. On cherche à devenir aussi efficace, performant, productif que la machine. C’est tout le temps la bousculade dans un monde désespérément adulte.

Tout doit changer, d’accord, sauf la tradition. Par définition, la tradition ne doit pas changer. Quand on la modifie, on la perd. On peut bien vouloir en créer d’autres, mais si on y parvient, ce sera pour les prochaines générations. Dans la transition nous aurons perdu la nôtre, un égarement de plus dans ce gigantesque tourbillon.

On ne s’en rend peut-être pas compte, mais on s’attriste de plus en plus. Le RENDEMENT prend trop de place. J’ai un peu le cœur triste ce Noël-ci. Je termine la décennie avec un grand effort pour refaire le sapin de mon enfance, envoyer les (peut-être dernières) cartes de Noël à ma famille et mes amis. Mais déjà je suis d’un autre âge; les vœux s’envoient par Internet, je sais bien. C’est économique, efficace et vite fait. Mais je n’en ai aucun plaisir. Vos vœux sont pâles, je ne les vois plus. Ils disparaissent avec le lot des messages, il n’en reste rien sur ma cheminée. Les sapins n’ont plus aucune personnalité. On les achète ficelés; quand on les rouvre, rendu à la maison, aucune surprise, ils sont tous bien fournis, bien symétriques, bien secs. Comme les courriels, c’est commercialement efficace et vite fait.

À 56 ans (oh, en écrivant mon âge, je réalise qu’il est vieux, je ne m’en étais pas aperçu), je me démène encore pour sauver mon cœur d’enfant. La bataille parfois est dure. Très dure. Peut-être que je ne me suis pas assez adapté ? Je résiste trop. Peut-être. Mais je ne vois pas chez les adaptés beaucoup d’émerveillement. Ils se préparent à passer cette période d’une humeur mi-figue, mi-raisin.

J’ose dire ceci : la tradition a pour raison de conserver le passé, conserver ainsi l’enfance, et si ça se trouve, conserver le bonheur. Je propose de conserver la tradition. S’efforcer de perpétuer une tradition, c’est paradoxalement amener quelque chose de nouveau dans notre quotidien. Ça fait changement ! Ça nous ramène à d’autres valeurs, toujours plus simples et plus ferventes. L’esprit commercial l’a compris, évidemment, il nous en beurre épais d’une ambiance « traditionnelle » superficielle et mercantile. Mais ce n’est pas de ça dont je parle. Je parle d’éviter toute modernité défigurant le souvenir.



Quiconque a eu une enfance heureuse aime revoir ses joies d’enfant. Laissez-moi, s’il vous plaît, être démodé, archaïque, passéiste juste le temps des Fêtes. Juste le temps de retrouver mon petit cœur qui battait comme un fou dans la magie de cette période. Dès décembre, tout mon univers se transformait soudainement. Un sapin, pensez-y, un arbre ! apparaissait dans le salon. La maison prenait des allures étranges aux couleurs vives et joyeuses. La fébrilité était palpable chez les adultes - les privations avaient excité tant de désirs. Et c’était comme ça partout : dans les rues, chez les matantes, à l’école, aux magasins. Des airs qu’on n’entendait jamais durant l’année étaient soudainement des hits qui jouaient partout. Le monde était envahi par des lutins. Si, si. La planète entière avait déménagé.

Ne me dites pas que vous avez oublié ? Ne me dites pas que vous avez renoncé à tout ça? Noël revient à chaque année. C’est toujours près de nous. Voyons donc.

Mais cette idée aussi de vouloir moderniser la chose ! Vos sapins blancs, art-déco ne m’ont pas l’air joyeux. Je les vois obèses, artificiels, guindés en chemise, cravate. Votre table très Di-Stasio, toute Ricardo ne me rappelle rien de mon enfance. Votre musique de Noël, en nouveauté de vos artistes préférés, n’a pas la profondeur des classiques de mon enfance. Vos cadeaux ressemblent trop à toutes ces publicités que j’ai vues depuis des mois.

Laissez-moi être un peu traditionnel. Je veux revoir mes photos, comme elles étaient, non remastérisées. Surtout pas modifiées. Attention, mon cœur s’y trouve, n’y touchez pas. Et puis, je ne veux absolument pas avoir raison. Pensez ce que vous voulez. Là-dessus, je vous laisse, mon sapin m’appelle. Qu’est-ce qu’il va bien me raconter cette fois-ci, le fou?




JOYEUX NOËL !


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dimanche 13 décembre 2009

Phrases échappées (lors de conversations)



D’abord, précisons : je crois être athée, un peu bouddhiste, sans doute chrétien et résolument sans religion. Ça devrait faire de moi une assez bonne personne.

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Je ne crois en rien. Vivre, me suffit et me convient.
Je ne suis fier de rien. Aimer, me suffit et me convient.

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Oui, je suis peut-être un mécréant, mais quand quelqu’un me lance :
« Je crois en Dieu », je lui sers la main chaleureusement et lui dis : « Toutes mes félicitations ! »

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Je ne suis pas d’accord avec Descartes. Il est plus juste de dire : « Je ne pense pas… donc je suis ».

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90% de mes justifications, c’est pour ne pas arriver tout de suite à l’évidence.

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TRISKAIDÉKAPHOBIE.
(J’avais le goût de dire ça. Très payant au scrabble)

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Dans le fond, quand je fais la morale, je m’adresse à tous ceux qui pensent comme moi pour leur dire qu’on est souvent dans le champ. Quand je pointe la lune, arrêtez de me regarder le doigt.

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Quand j’écris, je ne suis jamais seul. J’ai l’impression d’assister à une réflexion. Ça me surprend toujours un peu. Il m’arrive même de ne pas publier certains écrits, tout simplement parce que je ne suis pas d’accord.

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Je veux bien ne pas me prendre pour le Sauveur, mais c’est vous qui me mettez en christ !

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Il y a deux sortes de gens : ceux qui disent « commençons par être riches et après on essaiera d’être heureux », et ceux qui disent « commençons par être heureux et après on essaiera d’être riches ». Je suis de cette dernière catégorie. Mais ça commence à être long…

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Comment me définir ? Mon âme est souvent triste pendant que mon esprit s’amuse toujours. Le poète en moi a envie de mourir constamment, heureusement le philosophe le divertit.

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Au début j’étais tout feu, tout flamme. Mais à la fin j’étais brûlé.

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En vieillissant, j’ai un cerveau lent dans la tête, mais un cerf-volant dans le cœur. Ça compense.

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À la mort : « Je croyais qu’on quittait le monde, mais je constate qu’on part avec ».


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Voilà. Vous en savez un peu sur moi. Excusez-la !

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dimanche 6 décembre 2009

La différence (et la critique)



Bon Dieu, qu’on est en quête d’amour ! On cherche toujours l’attention des autres : dans notre habillement, dans nos acquisitions, nos comportements, nos petites réalisations. On n’en sort pratiquement jamais du « papa, maman, regardez-moi! ». Des tournesols. Je ne crois pas qu’il y ait un seul être humain sur terre, de la pire brute au plus suffisant personnage, qui ne soit pas, à un degré quelconque, en quête d’appréciation. Des tournesols, vous dis-je. Où le soleil ? Où le soleil ? Regarde-moi, Soleil. Regarde-moi !

Chaque fois qu’on produit quelque chose c’est comme mettre un enfant au monde; on l’aime toujours plus que les autres. On supporte mal la critique. Pourtant ? Qu’est-ce que ça peut bien faire ? Il suffit qu’il soit le bien-aimé de quelques-uns et ça nous fait un tournesol de plus sur la planète.

Et puis, la critique, comme la pluie, ce n’est pas mauvais pour les tournesols. Même que ça en prend. Ça permet de grandir. Ça corrige ou renforcit. Mais surtout ce n’est qu’une opinion, un commentaire personnel de quelqu’un selon sa propre vision des choses, ça ne vaut jamais plus que son contraire. À moins qu’elle soit unanime, la critique n’informe que sur l’appréciation de celui qui la fait. Et en cette matière il ne faut à peu près jamais se tromper, ou changer d’idée, sinon la mire est fausse, et on ne saura plus jamais trop bien où l’on tire. L’évolution de l’art nait rarement sous les applaudissements des critiques. Le sentiment populaire arrive au berceau bien avant. La Critique est au mieux un art parasitaire figé dans le convenu.

Mais sans parler du grand Art, toute création est toujours, et déjà, tout à fait appréciable. Si elle convient à son créateur, c’est bien suffisant. Essayez seulement de me persuader que ma recette de sauce à spaghetti, dont je me délecte, est infecte. I-M-P-O-S-S-I-B-L-E. Vous ne l’aimez pas ? Bien. Je ne vous en ferai plus, c’est tout. Mais comment parviendrez-vous à me faire haïr ce que j’aime ? Que vous alliez crier sur les toits que je me fais une sauce abjecte et que je suis absolument moron de l’aimer, n’aura pas plus d’effet. Bon, je vais comprendre que vous êtes de mauvaise humeur à mon endroit, mais à part ça, c’est une opinion. Ça ne vaut rien. Si c’est bien dit, tant mieux, ce sera au moins agréable à entendre.

À moins d’une rare maladie mentale, je ne crois personne insensible à la hargne de quelqu’un. Savoir qu’à l’autre bout de la planète, un chinois, dont je ne peux même pas deviner l’existence, m’haïsse, ne me procure aucun plaisir. Pour être franc, j’en ai même une douleur. Mais bon, que voulez-vous, je m’inquiète aussi d’un milliard de personnes qui meurent de faim sur la planète. Les douleurs se fondent ainsi l’une dans l’autre.

À une mauvaise critique d’un lecteur enragé il faut toujours, au moins, apprécier qu’il vous lise. Et je ne pourrais pas riposter sans d’abord le remercier pour ça. Ces gens-là ont quand même pris le temps de vous écrire pour vous mépriser. Vous ne leur êtes donc pas indifférent. Mais je reviens avec ma question : comment pourront-ils m’empêcher d’apprécier ma recette de sauce à spaghetti, même après en avoir dit tant de mal ? Comment peuvent-ils croire, que je pourrai préférer leur sauce, avec laquelle je risquerais de m’étouffer ? Et puis, qu’est-ce que je fais de tous les autres à ma table, venus pour apprécier ma sauce ? C’est difficile de mépriser une seule personne à la fois.

On ne pense pas comme vous. Et puis ? Peut-il y avoir autres reflets dans le miroir que vous-même? Imaginez que toute l’humanité actuelle soit clonée à votre image : avez-vous idée de ce que le monde serait plate ? La blague qu’on vous fait, c’est celle que vous avez faite hier. La chanson que vous entendez à la radio, c’est la vôtre, toujours la vôtre, mal faite et mal chantée. Dans le journal, il n’y a que votre opinion. Tout le monde a choisi votre NIP. Tout le monde aime votre femme. Tout le monde aime votre sauce à spaghetti, mais aussi les mêmes charcuteries; les prix augmentent sans cesse, et le comptoir est toujours vide quand vient votre tour.

On ne se supporterait pas longtemps. Un million de Robinson Crusoë sur une toute petite île, c’est un pire cauchemar, je crois. Jamais avec d’autres, et plus jamais seul. Seul. Voilà le grand bonheur. Seul : comme unique, comme différent. Savoir que les autres sont un peu, beaucoup, assurément différents, voilà l’intérêt. Il faut que d’autres décorent leur maison différemment, s’habillent différemment, fassent une sauce différente, aient des idées différentes.

Et quand on n’apprécie pas leur différence, tant mieux, on ne s’apprécie que davantage.

La différence, ça fait toute la différence.

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