dimanche 20 décembre 2009

Noël de mon enfance, ou rien.


Tout évolue. C’est normal, on améliore nos conditions de travail et de vie. On développe de nouvelles technologies et on s’y adapte. À ce point que, parfois, on ne sait plus trop lequel est au service de l’autre. Nos mœurs naturellement suivent cette évolution. On cherche à devenir aussi efficace, performant, productif que la machine. C’est tout le temps la bousculade dans un monde désespérément adulte.

Tout doit changer, d’accord, sauf la tradition. Par définition, la tradition ne doit pas changer. Quand on la modifie, on la perd. On peut bien vouloir en créer d’autres, mais si on y parvient, ce sera pour les prochaines générations. Dans la transition nous aurons perdu la nôtre, un égarement de plus dans ce gigantesque tourbillon.

On ne s’en rend peut-être pas compte, mais on s’attriste de plus en plus. Le RENDEMENT prend trop de place. J’ai un peu le cœur triste ce Noël-ci. Je termine la décennie avec un grand effort pour refaire le sapin de mon enfance, envoyer les (peut-être dernières) cartes de Noël à ma famille et mes amis. Mais déjà je suis d’un autre âge; les vœux s’envoient par Internet, je sais bien. C’est économique, efficace et vite fait. Mais je n’en ai aucun plaisir. Vos vœux sont pâles, je ne les vois plus. Ils disparaissent avec le lot des messages, il n’en reste rien sur ma cheminée. Les sapins n’ont plus aucune personnalité. On les achète ficelés; quand on les rouvre, rendu à la maison, aucune surprise, ils sont tous bien fournis, bien symétriques, bien secs. Comme les courriels, c’est commercialement efficace et vite fait.

À 56 ans (oh, en écrivant mon âge, je réalise qu’il est vieux, je ne m’en étais pas aperçu), je me démène encore pour sauver mon cœur d’enfant. La bataille parfois est dure. Très dure. Peut-être que je ne me suis pas assez adapté ? Je résiste trop. Peut-être. Mais je ne vois pas chez les adaptés beaucoup d’émerveillement. Ils se préparent à passer cette période d’une humeur mi-figue, mi-raisin.

J’ose dire ceci : la tradition a pour raison de conserver le passé, conserver ainsi l’enfance, et si ça se trouve, conserver le bonheur. Je propose de conserver la tradition. S’efforcer de perpétuer une tradition, c’est paradoxalement amener quelque chose de nouveau dans notre quotidien. Ça fait changement ! Ça nous ramène à d’autres valeurs, toujours plus simples et plus ferventes. L’esprit commercial l’a compris, évidemment, il nous en beurre épais d’une ambiance « traditionnelle » superficielle et mercantile. Mais ce n’est pas de ça dont je parle. Je parle d’éviter toute modernité défigurant le souvenir.



Quiconque a eu une enfance heureuse aime revoir ses joies d’enfant. Laissez-moi, s’il vous plaît, être démodé, archaïque, passéiste juste le temps des Fêtes. Juste le temps de retrouver mon petit cœur qui battait comme un fou dans la magie de cette période. Dès décembre, tout mon univers se transformait soudainement. Un sapin, pensez-y, un arbre ! apparaissait dans le salon. La maison prenait des allures étranges aux couleurs vives et joyeuses. La fébrilité était palpable chez les adultes - les privations avaient excité tant de désirs. Et c’était comme ça partout : dans les rues, chez les matantes, à l’école, aux magasins. Des airs qu’on n’entendait jamais durant l’année étaient soudainement des hits qui jouaient partout. Le monde était envahi par des lutins. Si, si. La planète entière avait déménagé.

Ne me dites pas que vous avez oublié ? Ne me dites pas que vous avez renoncé à tout ça? Noël revient à chaque année. C’est toujours près de nous. Voyons donc.

Mais cette idée aussi de vouloir moderniser la chose ! Vos sapins blancs, art-déco ne m’ont pas l’air joyeux. Je les vois obèses, artificiels, guindés en chemise, cravate. Votre table très Di-Stasio, toute Ricardo ne me rappelle rien de mon enfance. Votre musique de Noël, en nouveauté de vos artistes préférés, n’a pas la profondeur des classiques de mon enfance. Vos cadeaux ressemblent trop à toutes ces publicités que j’ai vues depuis des mois.

Laissez-moi être un peu traditionnel. Je veux revoir mes photos, comme elles étaient, non remastérisées. Surtout pas modifiées. Attention, mon cœur s’y trouve, n’y touchez pas. Et puis, je ne veux absolument pas avoir raison. Pensez ce que vous voulez. Là-dessus, je vous laisse, mon sapin m’appelle. Qu’est-ce qu’il va bien me raconter cette fois-ci, le fou?




JOYEUX NOËL !


****