Devant le feu
(Poème d’Émile
Nelligan / musique :
Serge Timmons)
Par les hivers anciens, quand
nous portions la robe,
Tout petits, frais, rosés,
tapageurs et joufflus,
Avec nos grands albums,
hélas! que l’on n’a plus,
Comme on croyait déjà posséder
tout le globe !
Assis en rond, le soir, au
coin du feu, par groupes,
Image sur image, ainsi combien
joyeux
Nous feuilletions, voyant, la
gloire dans les yeux,
Passer de beaux dragons qui
chevauchaient en troupes !
Je fus de ces heureux d’alors,
mais aujourd’hui,
Les pieds sur les chenets, le
front terne d’ennui,
Moi qui me sens toujours
l’amertume dans l’âme,
J’aperçois défiler, dans un
album de flammes,
Ma jeunesse qui va, comme un
soldat passant,
Au champ noir de la vie, arme
au poing, toute en sang !
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