dimanche 28 mars 2010

JOUR DE BUANDERIE
Satire

Tableau III

Il y a encore dans cette buanderie
Une grosse maman et ses deux enfants chéris.
La mère tâche fort de rendre son linge blanc
Et ces petits rejetons, eux, de briser un banc.
On peut voir l’aînée, à pieds joints, sauter dessus,
Tandis que dessous rampe le cadet reclus.
Il en est à mordre le bois quand, tout à coup,
En arrachant la tuile, il renifle beaucoup :
Péniblement il tire d’un amas de poussière
Une chose étrange faite d’une gluante matière,
Genre de sucrerie devant être autrefois
Petit bonbon à peine sucé quelques fois.
Comme clochard trouvant un cigare, le petit
Exhibe sa trouvaille avec joie et appétit
À sa sœur ainée qui en éructe à l’avance
Du goût divin que doit avoir cette substance.
De droit d’aînesse elle réquisitionne l’objet
Et le met dans sa gueule, d’un coup, au complet.
Le bébé en criant le lui sort de la bouche
Elle le reprend… et commence une lutte farouche.
Le bonbon se fait tirer à gauche et à droite,
Prenant soudain des couleurs dans leurs mains moites.
Puis le cadet, lassé, crache sur elle et fait gaffe,
Car insultée v’là, comme un chien, qu’elle gronde et paf!
L’immonde ainée dans un geste vif et subit
Fait claquer sa main dans la face du petit,
Lui arrachant, mon dieu, presque du coup l’œil droit
(Ce qui, sur le choc, le remet presqu’à l’endroit).
Furibond, le bambin charge en se relevant
Dans l’estomac de sa sœur, mou et recevant.
À coups de genou au menton elle l’édente,
Mais il mord toujours plus dans la chair abondante.
Beaucoup de bruit, de cris, de larmes et de pleurs
Se mêlent aux échanges de ces deux querelleurs.
Au tumulte, la mère soupçonnant un scandale
Vers les deux pugilistes aussitôt dévale.
Les lèvres serrées, la cigarette pendante
Elle roule ses manches et s’avance menaçante.
Elle distribue les claques et multiplie les gnons,
Ici c’est un crâne qui écope, là un chignon.
Sous les coups battants je l’entends qui les exhorte
À ne pas l’un et l’autre agir de la sorte;
Qu’il ne sied pas très très bien entre frère et sœur
Se chamailler pour un bonbon pas bon d’ailleurs.
Et pour prouver qu’il est méchant elle l’engloutit
Faisant mille grimaces qui font peur aux petits.
La paix revenue elle retourne à ses linges
En suçotant le pas bon bonbon comme un singe.
Les faces écarlates de coups et de honte
Mes deux éclopés font maintenant le décompte.
En gens du monde ils se remettent des morceaux :
Voilà pour la grosse un peu de robe et de peau,
Pour le petit, une main pleine de cheveux.
Il lui manque une dent… ça lui en fera deux.



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dimanche 7 mars 2010


En réaction à la UNE de LA PRESSE de mardi le 2 mars 2010




Du poil à gratter


Nouvelle sensationnelle. Du poil à gratter qu’on va se passer partout dans le dos, dans le cou une bonne partie de la journée. Au bureau, au lunch, dans la rue on va tous s’indigner à qui mieux mieux avec ça.

Une nouvelle de pas grand chose pourtant. UN cas problématique sur 39000 ce n’est pas très signifiant d’un problème social. C’est même plutôt l’inverse. La grande nouvelle est que dans 38 999 cas il n’y a pas eu de problème, Bravo. Mais c’est sûr, jouée de cette façon ça devient un entrefilet dans le cahier B… on va y préférer un espace publicitaire.

Le danger, ou l’intérêt (?), c’est l’exacerbation. Qui aura ou prendra le temps de digérer cette « nouvelle », la relativiser, y réfléchir, se préparer à la commenter de façon éclairée? Ça prend sûrement quelques heures de réflexions. Un coup le café avalé avec la manchette on n’a plus le temps. On part travailler. On passera la journée (la semaine peut-être) à se gratter le cou avec ça. Comme une charpie qu’on ne prend pas le temps d’enlever. On reste ébloui par le flash, on ne distingue rien. Et c’est l’idée même de la manchette : créer un effet, une photo de tout nus, un accident spectaculaire, un choc quelconque, un bruit tonitruant dans notre quotidien. Voilà la bombe. Arrangez-vous avec ça.

Le DÉRAISONNABLE. Bon Dieu, il n’y a pas que la religion des autres pour ça. Tous les jours, dans les cours municipales, il y a des histoires pires de comportements déraisonnables de quérulents bien blancs et catholiques.

Mais là c’est pas pareil vous allez me dire, ici on parle de choc communautaire, du débat sur la laïcité des institutions, d’un problème social qui prend de l’ampleur partout dans le monde, en France notamment, des vues diamétralement opposées qui menacent les libertés, les institutions, etc.

Oui, oui, j’ai tout compris ça. Je suis au courant. On en a fait une Commission. J’ai compris l’article : ça parle d’un cas extrême, épineux, dans le flou de nos principes directeurs nécessitant l’intervention du ministre. Ça dit que rien n’est réglé, patate chaude, embarras, et patati et patata. Sujet intéressant appelant à la poursuite de la réflexion. Je suis bien d’accord, on devrait tous y réfléchir, aller à la bibliothèque et s’instruire des essais, publications, études sur le sujet, suite à cet article. Tiens, pourquoi pas aujourd’hui après l’ouvrage. On s’y donne rendez-vous ?

Pourtant, j’ai le sentiment qu’on va en rester là. Une manchette, c’est tout. Pour nous préoccuper l’esprit. Un effet pour nous camper dans une position et nous suggérer l’humeur du jour. Ça fait du bien à tout le monde, au journal et au lecteur. Pourtant avec ce qui se passe au Chili il y a de quoi remplir la première page. Et l’Haïti, c’est pas fini. Ou alors un petit retour sur nos médaillés olympiques. Ou encore tiens, une publicité L’Évènement bat son plein chez Brault et Martineau. N’importe quoi, mais le gros titre (dans mon journal préféré) d’un fait divers très marginal, même chez les musulmans, c’est du sensationnalisme mercantile. Ça m’arrache le cœur de le dire (mon journal préféré) mais c’est un peu jaune.

Je vous en prie, lecteurs, n’allez pas vous gratter au sang avec ça. Il y a aussi autre chose à débattre : Les Canadiens feront-ils les Séries ?


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